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en prairies de premier ordre. Ces vastes herbages, toujours verts, toujours humides, donnent au pays l’aspect de certaines plaines de la Hollande.

On eut même l’idée, à la fin du XVIIIe siècle, de barrer au large tout le golfe des Veys au moyen d’une longue digue enracinée à l’Est aux roches de Grandcamp, à l’Ouest aux falaises de Ravenoville, qui n’aurait pas eu moins de 15 kilomètres de développement, et à travers laquelle on aurait ménagé une large coupure pour assurer l’écoulement général des eaux. On aurait ainsi conquis sur la mer plusieurs milliers d’hectares. Quatre à cinq mille Hollandais, réfugiés en France après les désastres de leur guerre contre la République, devaient être employés à cette œuvre de transformation agricole. On avait projeté la construction tout d’une pièce d’une ville, qui devait naturellement s’appeler Batavia et qui aurait été entourée de polders, comme ceux qui s’étendent à perte de vue dans la campagne d’Amsterdam, derrière les digues de la mer du Nord.

Tous ces projets ont été abandonnés, et on s’est contenté d’assurer, par un drainage régulier et par l’établissement d’un réseau de canaux, dont le plus important est celui de Vire et Taute, qui sert aussi à la navigation, l’écoulage et l’assainissement de toute la zone noyée et pestilentielle qui formait autrefois les marais du Cotentin. Le succès a été complet et les herbages du pays des Veys rivalisent aujourd’hui avec les plus riches pâturages de la Normandie.


III

Les trois ports du pays sont Carentan, Isigny et Grandcamp.

Grandcamp, situé à l’Est du golfe, n’est qu’un hameau de pêche, fréquenté seulement pendant la belle saison par les peintres et les baigneurs. Le bourg est tout à fait sur le bord de la mer, presque adossé à la falaise rocheuse. Le port ne présente aucun abri et ne peut être approché que par les barques d’un très faible tonnage qui peuvent supporter à l’échouage le talonnement sur la roche nue. On a essayé de le protéger un peu par quelques épis enracinés au rivage et une modeste cale de défense ; mais ce sont des travaux très rudimentaires ; et, en fait, la seule industrie du pays est la pêche, qui occupe une quarantaine de barques pontées de 20 à 25 tonneaux et une vingtaine de canots qui font la