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On a retrouvé aussi quelques vestiges de la route qui traversait autrefois tout le pays des Calètes du Nord au Sud et mettait Iuliobona en communication avec Fécamp, l’ancien Fiscamnum des Romains, dont le port paraît aussi avoir été fréquenté de toute antiquité. Mais une autre voie de communication bien autrement importante passait à Iuliobona et lui donnait une valeur stratégique et commerciale de premier ordre. Cette voie la reliait du côté de l’Est, c’est-à-dire vers la mer, à l’extrémité de la rive droite de la Seine, remontait ensuite toute la vallée du fleuve du côté de l’Ouest et en desservait toutes les escales. Cette route magistrale, dont le tracé primitif date très certainement des premiers âges de la civilisation, a été ensuite remaniée et transformée par les Romains, qui en ont fait une de leurs principales voies militaires. Elle partait du centre même de la Gaule, de Troyes en Champagne, l’ancienne Augustobona Tricassium, le chef-lieu du pays des Tricassi, allait de là rejoindre à Montereau, Condate, le continent de la Seine et de l’Yonne ; de Montereau, elle gagnait Melun, Mecleto, puis Lutèce, Luticia ou Lutetia, la capitale primitive des Parisii, qui devait prendre leur nom et s’appeler Paris, passait près de Mantes, à Petromantalum, que l’on peut identifier avec Magny, petit village aujourd’hui baigné par l’Epte, affluent de la Seine, puis franchissait un autre affluent du grand fleuve, l’Andelle, à Romilly, Ritumago, s’en rapprochait ensuite et en suivait à peu près la rive droite, traversait la grande capitale des Véliocasses, Rouen, Rotomago, Caudebec, Loïum, Lillebonne, Iuliobona, et se terminait enfin à l’extrémité de la Seine, en face de l’Océan à Harfleur, Caracoticum.

Comme port d’embarquement sur la Seine, Lillebonne a tenu aussi une place considérable pendant toute la durée du moyen âge. Les annales de l’Eglise ont conservé le souvenir de deux conciles qui y ont été tenus en 1060 et 1080 : et c’est dans le château fort, dont les ruines crénelées et enguirlandées de lierres ronronnent encore l’ancienne place de guerre, que Guillaume le Bâtard convoqua une partie de la noblesse de Normandie et l’entraîna à sa suite dans l’expédition qui devait amener la conquête de l’Angleterre.

La petite ville, à la fois maritime et fluviale, qui fut l’une des stations principales de la flotte romaine sur les côtes de la Manche, n’est plus aujourd’hui qu’un paisible chef-lieu de