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La passion de l’unité de l’État est si forte que Voltaire, partisan partout de la puissance spirituelle du roi, est partisan à Rome du pouvoir temporel du Pape. De cette façon encore le principe est sauvé.

Les révolutionnaires n’ont pas pensé autrement. Ils ont jugé qu’il y allait de la souveraineté du peuple de ne pas permettre que personne pensât autrement que l’État. Ils ont estimé qu’il fallait « socialiser les esprits. » De là la religion d’État, culte de la Raison ou culte de l’Etre suprême, de là la constitution civile du clergé ; de là l’éducation nationale et l’hostilité constante à la liberté de l’enseignement. La séparation de l’Eglise et de l’État et la liberté des cultes, de 1795 à 1797, n’a été qu’une trêve souscrite par des hommes fatigués de luttes, avec l’adhésion de quelques libéraux qui s’empressaient de profiter de cette fatigue. Et ici encore les partisans de la souveraineté populaire continuaient tout simplement la politique de la souveraineté royale, transposaient simplement ses maximes et son esprit, et, sans rien de plus, le peuple se mettait aux lieu et place du Roi. La lutte pour le gouvernement des consciences et des esprits sous la Révolution n’est qu’un épisode de la lutte pour la conquête des consciences et des esprits dans toute notre histoire moderne. Comme les révolutionnaires, Louis XIV entend que son peuple ait sa foi et ses idées et n’en ait point d’autres et, comme eux, il est persuadé qu’il y va de l’unité de l’État et de la souveraineté. Il combat les protestans comme des rebelles, et Voltaire, si fervent apôtre qu’il soit de la tolérance et quoique blâmant la Révocation au point de vue économique, ne peut, pas s’empêcher, à la rencontre, de l’en excuser : « Il les regardait, non sans quelque raison, comme d’anciens révoltés soumis avec peine. » — « Les catholiques étaient après tout les enfans de la maison, qui ne voulaient point de partage avec des étrangers introduits par force. » — « Le calvinisme devait nécessairement enfanter des guerres civiles et ébranler les fondemens des États… Il n’y a point de pays où la religion de Calvin et celle de Luther ont paru sans exciter des persécutions et des guerres. » Louis XIV est excusable. Au moins, il faut le comprendre. Il défendait « l’unité morale de l’État. » Les révolutionnaires ont fait de même.

Louis XIV a persécuté les jansénistes, comme des rebelles. Après tout, c’était une secte. Voltaire : « Le plaisir secret d’être