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les invasions de la Cyrénaïque, dont les historiens latins ont fait mention, et celles de la Mauritanie. Les sauterelles qui ont si souvent dévasté l’Algérie (ancienne Barbarie) dans l’antiquité, et qui plus tard ont causé les épidémies de 1724, 1867, 1874 et 1894, étaient des criquets pèlerins. Une autre espèce d’acridiens, plus petite, autochtone, le Stauronotus Maroccanus a alterné périodiquement ou coïncidé avec la précédente et partagé avec elle la responsabilité des déprédations commises sur tout le littoral méditerranéen. C’est à ce criquet marocain qu’il faut attribuer les invasions désastreuses de 1884 et de 1888 en Algérie, et la plupart de celles qui ont désolé l’Espagne. Il se plaît dans les terrains rocailleux, dénudés et secs ; l’œuf n’éclôt qu’au bout de neuf mois, après les froids de l’hiver, auxquels l’espèce peut ainsi résister.

A l’autre extrémité du continent africain, il y a une espèce d’acridiens qui produit aussi de grands dégâts dans les jardins. C’est le Pachytylus vastator que les Boers, sans aucune malice, ont surnommé « les habits rouges ; » les jeunes présentent une livrée panachée de rouge et de noir qui donne à leurs bataillons l’aspect d’une troupe anglaise. Dans la Russie méridionale, les ravages sont dus à un acridien très voisin du précédent : c’est le Pachytylus migratorius, ou œdipode voyageuse.

Dans l’Amérique du Sud, les agens dévastateurs des récoltes du Missouri, du Texas, du Kansas, de l’Iowa, du Dakota, du Nebraska, de l’Utah, du Colorado, appartenaient à deux espèces de caloptènes (Caloptenus spretus et C. femur rubrum).

Quant à la petite invasion qui sévit en ce moment sur nos départemens du Sud-Ouest, elle est due au Criquet italien (Caloptenus italicus). Ce n’est pas à dire qu’il nous vienne d’Italie. Il est, en effet, commun à une grande partie de l’Europe et on le rencontre communément dans les champs et les vignes du centre et du midi de la France, depuis Perpignan et Marseille, jusqu’à Fontainebleau et jusque dans les Vosges. En temps ordinaire, il exerce peu de ravages. A de certaines époques, il peut se multiplier d’une façon excessive et donner naissance à des essaims d’invasion qui se répandent plus ou moins loin, et causent des dommages aux cultures. Le fait s’est produit quelquefois en Camargue : de même dans le Languedoc où les luzernes ont eu à souffrir, à plusieurs reprises, de la pullulation de cet acridien… L’an dernier, c’était l’Aveyron qui était attaqué dans les cantons de Camarès, Belmont et Saint-Affrique. Cette année, c’est le tour de la Charente, des Deux-Sèvres et de la Vienne.