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pas d’autre moyen de progression que la marche et le saut. Le vol ne leur est possible que dans la toute dernière période de leur existence. Il faut donc les comparer à une infanterie assez pesante s’avançant sur un front assez étendu en colonne serrée et peu profonde. Si l’on vient à déranger leur ordre, ils se dispersent pour un moment, mais se rallient bientôt et reprennent la même formation : c’est là une particularité qui a été signalée par M. Mattei et que l’on met à profit pour les détruire.

Les essaims ne commencent leur exode que vers la fin de la première semaine qui suit leur éclosion. Jusque-là ils piétinent sur place. Ils sont donc faciles à joindre et à attaquer pendant ce temps. Et c’est, en effet, le moment, qu’en Algérie, les Arabes choisissent pour les écraser. Cette période écoulée, ils commencent à s’ébranler et ils peuvent déjà parcourir environ 100 mètres par jour. Un mois plus tard ils sont capables de parcourir 1 kilomètre par jour. C’est là la vitesse moyenne de l’insecte adulte, marchant et sautant.

On a fait une autre remarque, qui n’est pas sans portée pratique. C’est que, malgré les ventouses, les pelotes et les crochets qui garnissent les articles de ses tarses, l’acridien n’a pas de prise sur une surface lisse ; il ne peut escalader une paroi verticale ou fortement inclinée formée d’une toile cirée ou d’une bande métallique. On utilise ce fait pour arrêter les bandes d’acridiens au moyen de l’appareil cypriote.

On sait que l’île de Chypre a été, pendant plusieurs années, désolée par les ravages des acridiens. Un habitant, M. Mattei, qui avait fait sur les habitudes de ces insectes les deux remarques que nous venons de rappeler, les appliqua à arrêter leur marche. Il leur opposait une barrière de toile tendue sur piquets, de 65 centimètres de hauteur, continuée en haut par une bande de toile cirée de 20 centimètres de largeur. Ces bandes ont environ 50 mètres de longueur ; elles sont fixées à des pieux distans d’environ deux mètres l’un de l’autre. On les associe par deux, de manière à former un V ouvert devant la troupe des insectes. Ceux-ci s’acharnent vainement à franchir l’obstacle : ils grimpent jusqu’à la toile cirée, ne peuvent s’y fixer malgré leurs efforts et retombent au pied de la barrière les uns sur les autres. Ils s’accumulent ainsi dans des fosses ménagées au fond de l’appareil et destinées à devenir leur tombeau. Lorsqu’en effet ils y sont tombés, ils n’en peuvent plus sortir, grâce à l’existence d’un cadre de zinc poli de 10 centimètres de hauteur qui ne leur fournit aucune prise. C’est là qu’on les écrase et les enterre. Grâce à ce moyen,