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amoureux de la grande cousine qui paraissait si vieille à ses treize ans[1], et dont les brusqueries, les emportemens, le faisaient rentrer dans sa coquille d’enfant timide. Elle était si sûre de son fait, qu’elle laissa tomber dans l’eau « la négociation de Mme de Choisy » pour s’en remettre au cœur du roi, « et cette voie d’être reine, ajoute-t-elle ingénument, m’aurait beaucoup plus plu que l’autre. » Cela se comprend ; mais il n’arriva rien, sinon qu’Anne d’Autriche jurait devant sa nièce de lui donner le roi, et disait derrière son des : « Ce n’est pas pour son nez, quoiqu’il soit bien grand[2]. »

Mazarin n’aurait pas vu de mauvais œil, en ce qui le concernait, un mariage qui aurait remis la division entre les deux branches cadettes : « On m’a fait savoir de divers endroits, écrivait-il à la reine, qu’avec le mariage de Mademoiselle avec le roi, tout serait accommodé. Le Tellier[3] est venu exprès me trouver de la part de Retz et de la princesse Palatine, pour cela, et d’autres m’en ont écrit ; mais, si le roi et la reine ont les mêmes sentimens qu’ils avaient là-dessus, je ne crois pas que ce soit une affaire facile (7 janvier 1652). » Il n’osait pas insister, ne se sentant plus en situation d’exiger de la reine ce qui lui déplaisait.

Tandis que le Parlement rendait arrêt sur arrêt contre lui, on travaillait autour de la reine à le faire oublier, et l’on y réussissait[4]. On occupait l’imagination d’Anne d’Autriche avec d’autres amis, dont la pensée dévorait le cardinal de jalousie dans sa retraite de Bruhl. Il écrivait le à mai à la reine : « Je voudrais vous pouvoir exprimer la haine que j’ai contre ces indiscrets qui travaillent sans relâche pour faire que vous m’oubliiez et que nous ne nous voyions plus. » Le 6 juillet, il a su que Lyonne se vantait de ne pas déplaire à la reine : « Si on pouvait me faire croire une chose semblable, ou j’en mourrais de déplaisir, ou je m’en irais au bout du monde… Si vous voyiez l’état où je suis, je vous ferais pitié ; et il y a de petites choses qui me tourmentent au dernier point. Par exemple, je sais que vous avez dit plusieurs fois à Lyonne pourquoi il ne prenait pas

  1. Pas même ; il ne les eut que le 5 septembre.
  2. Mémoires de La Porte.
  3. Nom douteux. Les lettres de Mazarin à la reine sont écrites en partie en chiffres. Nous suivons le texte de M. Ravenel : Lettres du cardinal Mazarin à la princesse Palatine, etc. (1651 -1652).
  4. Cf. les Mémoires de Guy Joly et ceux de Mme de Nemours.