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semi-politique et semi-économique dont le résultat nous échappe. Quant à la France, elle est intéressée, elle aussi, dans l’œuvre qui se prépare, mais à un moindre degré que d’autres puissances ; et, comme le traité de Francfort lui assure avec l’Allemagne le traitement de la nation la plus favorisée, elle sera parmi les mieux traitées. Ce n’est pas beaucoup dire. Quoi qu’il en soit, elle profitera de ce que les autres auront pu obtenir, si les autres obtiennent quelque chose.

L’alerte a été donnée par un petit journal démocratique de Stuttgart, le Beobachter, qui a obtenu, par une voie encore ignorée, des renseignemens sur le travail de la commission fédérale chargée de la préparation des tarifs. Il a publié un beau matin la nomenclature des principaux chiffres auxquels on s’était arrêté. Quoi ! le Beobachter ? Et qu’est-ce que le Beobachter ? Ce journal était jusqu’à ce jour peu connu en dehors du Wurtemberg, et ne paraissait destiné, ni par son importance, ni par le caractère de ses opinions, à recevoir des confidences particulières. C’est ce qu’on s’est empressé de dire en lisant les tarifs dont il apportait au monde la révélation anticipée. L’exagération de ces chiffres a paru telle, au premier moment, qu’on cherchait des motifs de ne pas y croire ; et, malgré tout, on y croyait. On avait beau répéter qu’il y avait là quelque chose d’invraisemblable, on sentait confusément que cela pouvait être vrai. Les complaisances de la chancellerie impériale à l’égard des agrariens étaient connues : nul ne savait jusqu’où elles pouvaient aller. L’inquiétude était dans tous les esprits. C’est alors que le gouvernement a cru devoir sortir de la réserve qu’il avait gardée jusqu’à ce moment. La divulgation opérée par le Beobachter, quelle qu’en fût l’origine, avait produit un tel effet qu’on n’avait plus intérêt à rien cacher ; il valait mieux tout dire ; et qui sait si, comme beaucoup de personnes l’ont pensé, l’indiscrétion du journal de Stuttgart n’avait pas été machinée en haut lieu pour aboutir à ce dénouement, le préparer, et avoir l’air de le rendre obligatoire ? En conséquence, le Moniteur de l’Empire a publié officiellement les tarifs auxquels la commission fédérale s’était arrêtée, et on a pu constater qu’ils étaient à peu de chose près ceux du Beobachter.

Dès ce moment, les esprits ont été fixés, mais non pas rassurés. On se trouvait en présence d’une entreprise protectionniste analogue à celle que le prince de Bismarck avait autrefois imposée à l’Allemagne, et qui l’avait mise en conflit commercial avec toute l’Europe, Depuis la chute du grand chancelier, une politique économique plus modérée et plus douce avait prévalu dans les conseils du gouvernement. Le général de Caprivi avait eu l’honneur de l’inaugurer. Des