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est lui-même très inventif en matière d’applications scientifiques, on ne s’étonnera pas de ses progrès. Au moment de l’Exposition universelle, il s’est montré supérieur dans toutes les industries qui se rattachent à la chimie et à l’électricité. Sa puissance parlait aux yeux : il n’y avait qu’à regarder pour s’en convaincre. Mais il a cru que cette puissance était sans limites. Il a produit, produit sans cesse, comme s’il était sûr de trouver toujours à placer sa marchandise. N’avait-il pas des voyageurs qui parcouraient l’univers et qui sauraient lui ouvrir de nouveaux débouchés ? Son œuvre n’était-elle pas conduite avec une méthode infaillible ? Quoi qu’il en soit, l’industrie allemande allait de l’avant ; rien n’arrêtait ni ne modérait sa fécondité créatrice jusqu’au moment où, tout d’un coup, elle s’est aperçue que ses produits ne s’écoulaient plus aussi facilement qu’autrefois. Ils restaient en partie dans les magasins ; ils ne se vendaient plus avec la rapidité nécessaire à la rémunération des capitaux engagés. La crise a commencé aussitôt à se faire sentir. Un pays qui aurait eu des réserves pécuniaires plus considérables s’en serait sans doute tiré avant d’avoir eu le temps d’en souffrir ; mais ce n’était pas le cas de l’Allemagne. Ces capitaux dont nous parlons, qui avaient été engagés dans la grande industrie, étaient le plus souvent en partie empruntés à l’étranger. Il y avait disproportion entre l’élan un peu vertigineux de l’industrie allemande et les réserves financières qui devaient lui permettre de traverser les momens difficiles. Ce qui devait arriver arriva : la crise industrielle et commerciale s’aggrava d’une crise financière. Le premier symptôme a été le krach de la banque de Leipzig, suivi bientôt d’un certain nombre d’autres. On a compris alors où était le danger ; mais il était trop tard pour y échapper complètement. C’était une expérience désagréable pour l’Allemagne : saurait-elle du moins en profiter ? Les projets douaniers du gouvernement impérial ont fait craindre le contraire. En vérité, ce n’était pas au lendemain d’une crise à la fois industrielle et financière, ou plutôt au fort même de cette crise, qu’il convenait d’annoncer au monde l’ouverture prochaine d’une guerre de tarifs ! Le moment était mal choisi pour faire, à ce sujet, des confidences au Beobachter de Suttgart, et pour en confirmer officiellement l’exactitude dans le Moniteur de l’Empire.

C’est aux agrariens de l’Est que le gouvernement a surtout songé : il a voulu les contenter, même au prix des plus grands sacrifices, et il y serait parvenu si les agrariens n’étaient pas insatiables. Nous avons, il y a quelque temps, essayé de faire la psychologie de ce