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nous ne savons pas pourquoi, — que les nouveaux tarifs ménageaient la Russie. La surélévation des droits sur les céréales est peut-être un peu moins grande que sur le bétail ou la viande ; mais elle reste très considérable, et elle portera une atteinte sensible aux intérêts russes. Les menaces de M. de Witte ont donc été inefficaces et impuissantes.

L’Allemagne, il faut d’ailleurs le reconnaître, en a pris encore plus à son aise avec ses alliés. Envers eux, elle n’a pas cru avoir à se gêner. Et pourquoi l’aurait-elle fait ? Au moment même où s’élaborait mystérieusement l’œuvre de la chancellerie impériale, M. le comte Goluchowski professait doctrinalement, dans son discours aux Délégations, que les relations politiques et les relations commerciales étaient choses tout à fait distinctes et qui, dans un gouvernement bien ordonné, devaient rester indépendantes les unes des autres. Un aveu aussi précieux n’a pas été perdu à Berlin. M. le comte Goluchowski ne parlerait peut-être pas aujourd’hui dans les mêmes termes ; mais qu’importe ? il serait trop tard. Quant à la presse autrichienne et hongroise, elle a été unanime à condamner les tarifs projetés. Eh quoi ! l’Allemagne ne tenait donc aucun compte des intérêts vitaux de ses meilleurs amis ? Elle les maltraitait sans pitié ? Elle les sacrifiait sans remords ? Il n’est pas jusqu’à la Nouvelle Presse libre, journal germanophile par excellence, qui ne se soit montrée émue de tant d’ingratitude, et qui n’y ait répondu par des remontrances sévères. Quant à l’Italie, aile n’est pas mieux traitée que l’Autriche-Hongrie, et ses vins, aussi bien que ses soies, ne sont pas moins menacés que les produits autrichiens ou russes. Ce n’est pas que M. Prinetti ait commis la même imprudence de langage que M. le comte Goluchowski : au contraire, il a affecté de ne pas se prononcer sur le renouvellement du traité d’alliance, et a laissé entendre que la manière dont l’Italie serait traitée en matière commerciale pourrait bien influer sur ses déterminations ultérieures. Mais la réserve du ministre italien n’a pas eu plus de succès que l’abandon du ministre austro-hongrois. Cela vient peut-être, — nous permettra-t-on de le dire ? — de ce qu’on n’a pas cru beaucoup k ses hésitations, et qu’on est resté persuadé à Berlin qu’il renouvellerait le traité d’alliance quoi qu’il arrivât : et c’est, en effet, un sentiment assez général en Europe que les traités d’alliance seront renouvelés en tout état de cause. Quant aux traités de commerce, ce sera plus difficile avec les nouveaux tarifs. Il est vrai qu’ils ne sont pas encore acceptés par le Conseil fédéral, ni votés par le Reichstag. Nous ne sommes pas encore en face d’un fait accompli, et il n’est pas