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proclamer. En effet, les proclamations d’annexion datent, on se le rappelle, du 24 mai et du 1er septembre 1900 ; mais, le 7 septembre suivant, lord Roberts adressait au commandant général des Boers, Louis Botha, une lettre où il disait entre autre choses : « Excepté dans les districts occupés par l’armée placée sous le commandement de Votre Honneur, la guerre a dégénéré et dégénère en des opérations faites d’une manière irrégulière et irresponsable par de petits corps et souvent par des corps de troupes insignifians[1]. »

Quoi de plus net ? Et n’est-ce pas lord Roberts en personne qui constate non seulement que la guerre existe et continue, mais que l’adversaire dispose encore de toute une armée, occupant des districts entiers dans des territoires qu’il prétend pourtant avoir annexés ?


V

« La guerre, déclare lord Roberts, a dégénéré et dégénère en opérations faites d’une manière irrégulière et irresponsable. » Arrêtons-nous un instant à cette proposition.

Le droit des gens s’abstient scrupuleusement de prescrire comment et de quelle manière il faut faire la guerre pour qu’elle atteigne son but ; il ne définit pas le modus quo, ne dit pas s’il faut se servir de corps d’années, de gros bataillons, de « petits corps » ou de « corps insignifians. » Il serait impossible au général en chef anglais de citer à l’appui de son affirmai ion une autorité quelconque, car un pareil précepte serait radicalement contraire aux principes fondamentaux du droit et de l’art de la guerre. Jamais personne n’a eu la prétention de fixer la quantité des forces nécessaires pour se défendre « d’une manière régulière » et par conséquent pour avoir le droit de se défendre, ni la prétention de restreindre, en l’interprétant, cette maxime posée par Napoléon, de faire toujours ce que l’ennemi n’aime pas qu’on fasse. Si la guerre par petits paquets est désagréable et désastreuse aux Anglais, raison de plus pour que les Boers y recourent ; c’est leur droit, et c’est la tactique qui leur est commandée par la saine raison.

Le baron Jomini, en inaugurant, dans la séance du

  1. Correspondance… between the Commander-in-chief in South-Africa and the Boer Commanders, etc., p. 12.