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Talleyrand, nous ne souffrirons pas que l’Angleterre s’en mêle, parce qu’elle ne s’en occuperait que pour y semer le désordre ; ce serait un nouveau Jersey d’où l’on fomenterait des troubles contre la France[1]. » « J’ai besoin, par-dessus tout, d’une frontière qui couvre la Franche-Comté ; un gouvernement stable et solide, ami de la France, c’est le premier vœu que je forme ; si celui-ci ne peut avoir lieu, l’intérêt de la France me dictera la conduite à tenir. » Il fait inviter le Sénat de Berne à députer près de lui. Le 30 septembre, il notifie sa médiation aux Suisses ; Ney, avec 30 000 hommes, est prêt à entrer dans les Cantons. Les Suisses se soumettent. Peu auparavant, Bonaparte avait proclamé (28 août 1802 ; l’indépendance du Valais, sous sa garantie, celle de la Suisse et de la République italienne ; la route du Simplon et celle du Gothard étaient assurées.

Il s’occupe de la Méditerranée. Il réunit l’île d’Elbe à la France (26 août 1802). Il envoie à Constantinople, en ambassade, le plus turbulent, le plus gênant aussi des mécontens et des politiques de l’armée, Brune. « L’intention du Gouvernement, lui mande-t-il, le 18 octobre, est que l’ambassade à Constantinople reprenne, par tous les moyens, la suprématie que la France avait depuis deux cents ans dans cette capitale. La maison qui est occupée par l’ambassadeur est la plus belle. Il doit tenir constamment son rang au-dessus des ambassadeurs des autres nations. Il doit reprendre sous sa protection tous les hospices et tous les chrétiens de Syrie et d’Arménie, et spécialement toutes les caravanes qui visitent les lieux saints. » Il menace de représailles et met à la raison les Barbaresques, le dey d’Alger, dont les pirates insultent encore et effraient les côtes de Provence. Puis, la Louisiane étant désormais interdite, il revient au rêve favori, au rêve tenace, au premier rêve de grandeur, formé dès 1797, l’Égypte. Il y dépêche un officier dont il apprécie l’intelligence et la dextérité, le colonel corse Sébastiani[2]. Cet envoyé touchera en Tripolitaine, y fera reconnaître le pavillon de la République italienne ; puis il passera en Égypte, s’y rendra compte de l’état des choses, après le départ des Anglais, et reviendra par la Syrie. Le général Decaen recevra une mission analogue pour les Indes.

C’étaient de ces mesures que ni l’Angleterre ni la Russie

  1. A Talleyrand, 4 novembre 1802.
  2. Instructions de Sébastiani, 5 septembre 1802.