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ritimes ? Un lever de soleil sur la mer le plongeait en extase, et il abrégeait l’ennui de ses insomnies, en contemplant la campagne au clair de lune ou le ciel étoile. Il aimait à causer avec les paysans, les ouvriers, et il avait, dès sa jeunesse, si bien observé les costumes, les coutumes et les patois des clans, que personne, depuis Walter Scott, n’a mieux dépeint les types divers d’Écossais.

Enfin, au cours de ses études de droit et de son court stage au barreau d’Édimbourg, il s’était mis au courant de l’art de la chicane ; il avait remarqué combien les hommes dits « de loi » sont habiles à tordre ou à tourner la loi ; il avait compulsé aux archives les actes de quelques grands procès politiques au temps des Jacobites, qui lui fournirent des sujets ou des types de ses romans. Or ces études n’avaient fait qu’affiner en lui le sens de la justice. Dans tous ses romans on entend la protestation indignée de l’honnête homme contre les roueries des avocats et contre les transactions des juges avec la raison d’État. Par exception, d’ailleurs, il fait jouer un beau rôle aux notaires et avoués.

Quoique Stevenson ait été très primesautier, très indépendant, ce n’est pas à dire qu’il n’ait eu des modèles, dont on retrouve la trace dans ses écrits. Nous avons déjà mentionné Walter Scott. Stevenson avoue qu’il a été de bonne heure sous le charme de son illustre compatriote et il raconte, dans ses Mémoires sur une famille écossaise, l’intimité qui avait régné entre Scott et l’un de ses grands-pères. Son influence est manifeste dans la Flèche noire, dans Kidnapped et Catriona. Celle d’Edgar Poë, de Charles Dickens, de Georges Meredith n’est pas moins évidente ; la première, dans l’Île au trésor, l’Amiral Guinea, et celle des deux autres dans la peinture des mœurs de certaines classes de la société londonienne et dans les dialogues familiers.

Mais, après les écrivains de son pays, ce sont les Français qui ont exercé le plus d’attrait sur R. L. Stevenson. Il avait beaucoup étudié notre littérature ; il avait lu les poésies de Charles d’Orléans et celles de Villon ; ce dernier, surtout, lui plaisait par sa vie de Bohème et ses aventures, par ses alternatives de gaîté bachique et de mélancolie : Montaigne, le grand douleur, le marqua de son empreinte critique et satirique ; mais son solide fonds d’éducation biblique préserva l’Écossais de la ruine de toute croyance.

Parmi nos écrivains du milieu du XIXe siècle, Balzac, Bau-