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ce pays vous donnerait un démenti. Qu’ai-je fait pour que vous me mettiez, par une telle supposition, au rang des chiens ? Je n’ai jamais jusqu’à présent fait défaut à un ami et il n’est pas probable que je commence par vous. Il y a entre nous des liens, que je ne pourrais jamais oublier, même si vous le faisiez ! — Je ne vous dirai qu’une chose, David, répondit Alan, c’est que depuis longtemps je vous délaisse et, de plus, maintenant, je vous dois de l’argent. Vous devriez essayer de m’alléger ce fardeau de mes obligations ! — Ces sentimens me touchèrent[1]. »

Parmi les péripéties, se trouve le meurtre politique d’un agent du roi George détesté par les habitans du centre d’Appin, fidèles aux Stuarts. Alan Breck et David Balfour, présens sur la scène de l’assassinat, sont fortement compromis dans cette affaire. L’auteur a très habilement ménagé cet épisode, comme une pierre d’attente, sur laquelle il bâtira une suite : Catriona, dont on parlera tout à l’"heure.

III

Dans les œuvres jusqu’ici mentionnées, il n’y a pas trace d’amour ; d’ailleurs, Stevenson met en scène peu ou point de femmes. L’intérêt n’est éveillé que par l’imprévu des événemens, par le contraste des actions et du cours normal des choses, et par le mystère qui enveloppe certains personnages. Avec le Maître de Ballantrae, la Flèche noire et la Baie de Falesa, l’amour fait son entrée en scène, encore timide et comme à demi voilé, mais exerçant déjà ses effets, parfois terribles.

La Flèche noire vient d’être élégamment traduite en français[2] ; ce qui nous dispensera d’en parler au long. C’est un épisode de la guerre des Deux Roses. On sait qu’à la faveur de la guerre civile, les seigneurs opprimaient les paysans et tenanciers, sous prétexte qu’ils étaient du parti contraire au leur ; souvent même ils vendaient leurs services tour à tour aux prétendans rivaux. Stevenson, imitant de près son modèle, Walter Scott, a dépeint avec beaucoup de couleur locale ces caractères de la féodalité en Angleterre et a mis en relief ce qu’il y avait de violent, de cruel, d’injustice brutale et barbare dans les mœurs de cette époque.

  1. Kidnapped, édit. Tauchnitz, p. 222.
  2. Traduction de Mme G. La Chesnais. Au Mercure de France ; 1901.