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ait dans ces menus faits les symptômes d’un redoutable mouvement antirépublicain. M. l’abbé Gayraud s’est donné beaucoup de peine pour protester contre cette allégation fantaisiste de M. Combes. Il a fait chanter la Marseillaise à ses paysans. Il a répété qu’il était enfant du peuple et bon républicain. Les radicaux, naturellement, refusent de le croire : à leurs yeux, être républicain, c’est être pour le ministère actuel et pour ses décrets. M. Camille Pelletan le déclarait encore l’autre jour dans un des discours qu’il prodigue à la province. S’il faut être ministériel pour être républicain, il est clair que les paysans bretons ne le sont pas, et que nous ne le sommes pas davantage ; mais c’est un critérium que nous n’acceptons pas. On peut trouver la loi sur les associations mauvaise et la manière de l’appliquer encore pire, sans être légitimement taxé de royalisme, d’impérialisme, ou même de réaction.

La protestation bretonne n’a été, quoi qu’on en ait dit, qu’une protestation religieuse. Les paysans du Finistère voulaient conserver leurs écoles congréganistes. On leur a dit que la loi s’y opposait, mais cela n’est pas bien prouvé. Ils ont cru que c’était seulement le ministère, et cette opinion est soutenable. De là leur révolte, dont il ne faut pas dénaturer le caractère. En vain, M. Vallé, garde des sceaux, a-t-il déclaré dans un discours récent que la loi était la loi, et que, bonne ou mauvaise, il fallait l’exécuter jusqu’à ce qu’elle fût changée. Cela n’est pas toujours vrai. Que de lois ne sont pas appliquées ! Que de lois sont appliquées aux uns et ne le sont pas aux autres ! Mais à quoi bon chercher plus loin que la loi actuellement en cause ? Quand M. Vallé voudra bien nous dire pourquoi on l’applique si impitoyablement aux congrégations enseignantes et pas du tout aux congrégations charitables, nous conviendrons avec lui que le gouvernement n’est libre d’y apporter ni ménagemens ni tempéramens, et qu’il doit l’exécuter comme s’il était lui-même une machine aveugle, sans intelligence et sans cœur. Jusque-là, on nous permettra de penser que M. le garde des sceaux s’est agréablement moqué de son auditoire, et que son discours est la plus dure condamnation) du ministère dont il fait partie.

Mais que faire ? Beaucoup de gens supportent avec impatience une politique qu’ils jugent illégale ; ils cherchent un moyen de protester, ou plutôt d’agir contre elle d’une manière à la fois efficace et immédiate. La vérité nous oblige à dire qu’ils ne l’ont pas encore trouvé. On a parlé d’abord de ne pas payer l’impôt direct, comme si l’État n’avait pas des moyens rapides d’obliger le contribuable à le faire.