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vêtemens plutôt misérables, elle avait l’air d’une péri qui se serait égarée. On la voyait de loin scintiller comme une étoile. Elle portait des diamans aux oreilles, des diamans au cou et à la poitrine ; à ses beaux bras nus, des diamans depuis les poignets jusqu’aux épaules. Et d’autres, d’une limpidité rare, accrochés à la cloison de son petit nez frémissant, retombaient sur sa bouche Entre son pagne jaune lamé d’or et son corselet très court en soie lilas, une partie de son torse, lisse comme une belle colonne de métal, apparaissait nu, avec un peu de la base impeccable de ses deux seins, qui s’indiquaient chastement plus haut, sous l’étoffe légère et tendue. (C’est le dessus de leur gorge que les femmes de chez nous montrent le soir ; je ne vois pas en quoi montrer le dessous est plus inconvenant ; cela permet moins d’artifices, voilà tout). Elle avait d’ailleurs tant de réserve et de dignité dans l’allure, la bayadère, que je l’ai saluée comme j’aurais fait pour une femme du monde. Elle m’a répondu à l’indienne, en se touchant le front de ses deux mains surchargées de rubis. Et puis, avec ses suivantes, elle est montée… dans un compartiment de dames seules !…

Et je gardais l’image de la bonne Balamoni dans les yeux en quittant les horribles parages de cette gare pour me rendre au temple de la déesse. On m’avait, du reste, conté dans la journée plusieurs choses gentilles qu’elle a faites. Entre autres, celle-ci : le mois dernier, des dames européennes qui quêtaient pour un orphelinat de petites Hindoues étaient venues frapper à sa porte. Et Balamoni, avec son beau sourire, leur a donné un billet de mille roupies (environ deux mille francs). Elle est secourable à tous, et les pauvres connaissent bien la route de sa demeure.


VII. — LE TEMPLE

Le crépuscule, dans les temples de l’Inde, commence toujours avant l’heure, sous les voûtes basses, lourdes et écrasantes comme des couvercles de sépulcre.

Ce soir, le soleil luit encore au couchant, que déjà des petites lampes s’allument aux abords du grand temple de Madura, le long de l’avenue voûtée de granit, qui est comme une sorte de vestibule préparatoire, et où les vendeurs de guirlandes se tiennent. Dans tous les renfoncemens, comme des niches, entre les statues colossales dont l’avenue est bordée, ces marchands ont