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surchargée, je croyais que c’était fini. Mais non ; à travers des galeries noires, emplies d’épouvantables symboles, les prêtres me conduisent à une cour, d’où partent des barissemens sonores et clairs comme des sons de trompette ; là, vêtus de robes rouges, et dans un rayon de soleil, m’attendaient les six éléphans sacrés, qui, dès que je parais, s’agenouillent devant moi, sans arrêter le mouvement d’éventail de leurs larges oreilles transparentes. Et, quand j’ai remis à chacun d’eux l’offrande d’argent que guettait son petit œil très fin, ils se relèvent et s’en vont, trottant comme des outres qui se dandinent ; ils s’en vont au hasard, à leur fantaisie, dans les couloirs et les nefs où ils ont coutume d’errer en liberté.

Les salles, où l’on me conduit ensuite, bâties, plafonnées de blocs énormes, ont des airs de caveaux cyclopéens ; les serviteurs, qui nous escortaient, grimpent aux murailles pour retirer des stores de nattes, masquant çà et là de vagues soupiraux ; mais c’est égal, il fait vraiment trop nuit et des lampes sont nécessaires.

Ce sont des enfans nus qui les apportent en courant, lampes ou torches d’un extrême archaïsme, brûlant avec beaucoup de fumée au bout de longues tiges en bronze, au bout de longues tiges courbes en forme de trompe.

On ouvre une porte bardée de fer, et les jeunes photophores entrent les premiers… Nous sommes dans les fantastiques écuries de la Déesse : une vache en argent, des chevaux en or, de grandeur naturelle, se tiennent alignés là, dans la nuit constante et la perpétuelle humidité chaude ; les enfans approchent de leurs figures naïvement sculptées la flamme des torches, et on voit briller les pierreries des harnais. En haut, à la voûte de granit effroyable, les petits cris aigus accompagnent un continuel remuement d’ailes chauves, et c’est un nuage de vampires, affolés et tourbillonnans.

Seconde porte ferrée ; autre écurie pour bêtes d’argent et d’or.

Troisième et dernière porte. Ici habitent un lion en argent ; un paon gigantesque en or, la queue éployée, chaque œil des plumes fait d’un cabochon d’émeraude ; une vache en or, qui a un visage de femme plus grand que nature, avec des pierreries aux oreilles et des pierreries à la cloison du nez comme en portent les Indiennes. Et, remisés dans les coins, des chaises-à-porteurs, tout en or, pour la Déesse ; des palanquins de procession tout en or avec de précieuses ciselures, avec des fleurs en diamans et