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Faut-il se hâter de tirer de là une « réhabilitation, » ou de fonder là-dessus une glorification de cette grande industrie qu’il est tant à la mode aujourd’hui de malmener et de maudire ? Non, sans doute, et une conclusion trop étendue et trop tranchante serait ici trop précipitée. Elle ne s’applique pour le moment qu’aux mines, aux mines de houille, à la plupart des mines de houille, « généralement » et « en moyenne. » Si elle est vraie d’autres industries, et de combien, et desquelles, et dans quelle mesure elle est vraie, c’est ce que nous verrons plus tard ; pour le moment, tout ce que nous pouvons dire, c’est que, généralement, dans l’industrie minière, plus un établissement occupe d’ouvriers, plus le salaire s’y élève ; aux grandes entreprises, les hauts salaires. Mais prenons-y bien garde : « généralement » et « en moyenne ; » et ce sont, j’allais dire de terribles mots ; tout au moins ce sont des mots qui font penser, qui avertissent d’y regarder à deux fois. Certes, on ne saurait les proscrire et il faut bien accepter « généralement, » parce qu’ « il n’y a de science que du général, » mais sans jamais perdre de vue qu’il n’y a de vie que du particulier ; et il faut bien accepter « en moyenne » parce que ce serait une illusion de prétendre atteindre et exprimer tous les cas individuels, mais sans jamais oublier que la moyenne, par cela seul qu’elle est la moyenne, est justement la chose du monde la plus vide de réalité.

C’est en matière de salaires surtout qu’il est bon d’être très prudent, de n’user qu’avec modération de « généralement » et de « en moyenne ; » et c’est en cette matière un gros grief contre la statistique et les statisticiens qu’ils en ont trop longtemps usé et abusé. Car l’ouvrier qui gagne 5 francs ne met pas à la masse, pour en faire une moyenne, avec celui qui n’en gagne que 3 ; on ne mange pas une moyenne, on ne vit que du salaire que l’on touche. Autre règle encore : plus une industrie exige de catégories ou de spécialités d’ouvriers, plus il y aura d’écart, selon les catégories et les spécialités, dans le salaire des ouvriers, plus il sera difficile et dangereux de parler de moyenne et par moyenne. Aussi, quelque attention que nous voulions porter à ne point hérisser ces études, déjà sévères en elles-mêmes, de colonnes de chiffres dressées comme autant de herses qui en défendent l’accès, dans l’espèce, cependant, où il s’agit d’une industrie occupant quarante-quatre ou quarante-cinq catégories d’ouvriers, ce serait tout ignorer de la condition du mineur que