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que, Mademoiselle jouissant de grands biens dans le royaume, elle pourrait assister un parti où elle était engagée, et que le roi, pour détourner ce mal, avait résolu de mettre des administrateurs ou commissaires dans son bien pour le lui conserver, sans qu’elle en pût abuser, mais qu’on laissait à Son Altesse royale le choix des commissaires.

« La seconde observation était qu’il y avait à craindre, suivant l’intelligence de la lettre, que, si M. le Prince s’avançait, Mademoiselle pourrait l’aller joindre, et que le roi, en cette difficulté, lui demandait conseil, comme étant plus intéressé que personne dans la conduite de Mademoiselle. Il m’a répondu qu’il lui avait mandé de venir le trouver à Orléans le mardi de la semaine sainte ; que de là il prétendait la ramener à Blois, où elle demeurerait auprès de lui.

«… J’ai aussi, Monseigneur, entretenu Madame de tous les mêmes sujets dont j’avais traité avec Monsieur, parce que je savais qu’elle en était instruite, et que d’ailleurs Monsieur défère beaucoup à ses sentimens. »

Mazarin ne donna jamais aucune suite à la communication de l’archevêque d’Embrun. Il lui suffisait d’avoir fait entendre à Monsieur qu’on l’autorisait à ne pas se gêner avec une rebelle, et Monsieur, de son côté, n’en demandait pas davantage. Sûr à présent d’être couvert par la Cour, il se répandit en paroles amères et en menaces contre cette fille désobéissante et sans cœur qui se dérobait à son devoir. Tantôt il lui écrivait que, « si elle ne lui donnait de bonne volonté tout ce qu’il lui demandait, il se mettrait en possession de tout son bien, et ne lui donnerait que ce qu’il lui plairait. » Tantôt il jetait feu et flamme contre elle en public : « — Elle n’aime point ses sœurs ; dit que ce sont des gueuses ; qu’après ma mort elle leur verra demander l’aumône, sans leur en donner… Elle veut voir mes enfans à l’hôpital. » Et autres propos du même genre, qui étaient rapportés à Saint-Fargeau. Mademoiselle apprit un jour par lui-même qu’il songeait à l’enfermer dans un couvent, « que c’était l’intention du roi, » et qu’elle devait se disposer à venir le trouver. Au même moment, elle était avisée de Paris que son père avait promis à la Cour de « l’arrêter prisonnière » dès qu’elle serait à Blois. Les choses en vinrent au point que Monsieur ne pouvait plus entendre le nom de sa fille sans entrer en fureur.

Cette princesse s’était tout d’abord montrée intrépide.