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quand Thring, en 1853, dix ans après la mort du réformateur de Rugby, s’était mis à la besogne, les abus de tout genre étaient encore crians. Instruction et éducation, la routine, et quelle routine, était partout. Certes, personne alors, même parmi les plus chimériques, n’eût pu prévoir qu’un jour viendrait où un publiciste français célébrerait la supériorité des collèges anglo-saxons. Au lieu des rians souvenirs qu’a poétisés M. Demolins, le collège évoquait lamentablement dans la plupart des mémoires, une jeunesse étiolée au milieu d’un enseignement formaliste et d’une précoce corruption. Cet état de choses devait traîner longtemps encore. Sans doute, l’exemple et les livres de Thring activèrent le mouvement que Th. Arnold avait commencé, mais le mal était trop profond et trop universel pour qu’une prompte guérison fût possible. Je n’ai pas à examiner maintenant si, à l’heure actuelle, il ne reste plus trace des anciens abus, et, pour fixer l’imagination du lecteur sur ce qu’était l’école anglaise avant ces vingt dernières années, il me suffira de citer quelques lignes écrites par un inspecteur général de l’instruction publique, peu de temps avant la mort du réformateur d’Uppingham. « Je viens de lire David Copperfield pour la première fois, — écrivait en 1880 Mathieu Arnold à un de ses collègues d’inspection — l’école de M. Creakle reste le type de l’école où est élevée la petite bourgeoisie et notre petite bourgeoisie se résigne, en somme, à ce qu’il en soit ainsi[1]. »

L’odieux Creakle et la sordide maison où le petit Copperfield eut tant à souffrir, voilà bien les visions qu’il fallait rappeler au moment de franchir le seuil d’Uppingham et de feuilleter le registre où Thring note religieusement ses expériences quotidiennes, ses tristesses et ses déceptions, ses joies et ses espérances.


25 janvier 1880 (peu de jours après la rentrée). — Ce matin, ravi d’apprendre que le petit François Harmon, malade, a éclaté en sanglots quand il a vu partir ses frères qu’on ne lui permettait pas de suivre. Un petit enfant qui pleure parce qu’il ne peut rentrer au collège, quand on en arrive là, on n’a pas manqué sa vie ! Et moi, et les larmes amères que je versais jadis à la fin des vacances.


Voici plus d’enthousiasme. Avec cette âme impressionnable, il faut nous résigner aux superlatifs :

  1. La lettre est adressée à Sir J. C. Fitch qui la reproduit dans ses très intéressantes Lectures on teaching, p. 230.