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du maître et au hasard. Je voudrais que tout fût prévu pour que de tous côtés le mal fût rendu presque impossible et que le bien fût facilité, mais tout cela, doucement et sans en rien laisser voir. »

Il y a sans doute un peu de tyrannie et quelque illusion dans ce programme et j’aurais pour ma part assez peu de confiance en ces maîtres automatiques réduits à faire sans cesse le même chemin sur les mêmes rails, mais en somme l’idée générale qui dicta ces réformes est excellente. Rendre le mal impossible, sans avoir l’air de penser à lui ; faciliter le bien sans l’imposer aux volontés, voilà de quoi relever singulièrement les minuties d’un règlement et éclairer les plus obscurs problèmes de l’éducation.


Dans une grande école, sur la somme de tentations, de fautes, d’oisiveté, il y a une certaine proportion qu’une meilleure organisation ferait sûrement disparaître. Il en est de cela comme des miasmes contagieux dans un mauvais quartier, un certain drainage moral en ferait disparaître une partie.

La brutalité des élèves est développée par la dureté des maîtres, par l’habitude de parquer les enfans en masses trop mélangées.

Le mensonge est favorisé par un système de règles générales qu’on impose indistinctement à tous les enfans sans se soucier de savoir s’ils sont de taille à les observer. Les enfans mentiront aussi longtemps que le maître ne les connaîtra pas un à un, ne sympathisera pas avec eux.

La paresse est favorisée par l’habitude de confier à chaque maître un trop grand nombre d’élèves. Chacun peut espérer ne pas être pris en faute, et en tous cas il est certain qu’un élève qui ne peut librement proposer ses difficultés à son maître sera vite dégoûté d’un inutile travail.

C’est aussi un moyen d’encourager la révolte. Les élèves moins sages et moins intelligens, sûrs que personne ne se soucie d’eux, qu’a priori les pénitences arbitraires pleuvront sur eux et n’ayant rien d’ailleurs pour les intéresser et leur apprendre le respect d’eux-mêmes, ne tardent pas à regarder le maître comme l’ennemi.

C’est aussi un moyen de développer la sensualité. Les pauvres enfans ne peuvent penser qu’au corps. Ce qui est intellectuel est pour eux une source d’amertume.


Mais sans insister sur ces indications générales, voyons quelques-uns des détails sur lesquels le réformateur d’Uppingham aimait à insister. Il faut, pensait-il, faire honneur à notre ouvrage, aux leçons que nous donnons et ce n’est pas leur faire honneur que de négliger le local où nous les donnons. Laisser des pupitres en désordre, des taches d’encre sur les murs, des toiles d’araignée dans les coins, aucun de ces inconvéniens n’est à dédaigner. Le mépris de la salle de classe, au fond, c’est le