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plus d’idées en circulation dans la vie de l’esprit. Je veux à tout prix que mes enfans sachent et sentent que tout convient au chrétien, sauf les lâchetés de la volonté.

Entendez le philosophe : « La nature humaine — oh ! la bête dangereuse ! — elle mord, elle rue, c’est un démon. Qu’on l’enferme et qu’on l’empêche à jamais de mal faire ! »

Et le Christ dit, lui : la nature humaine est bonne, noble ; c’est une créature de Dieu : il faut lui apprendre à courir et lui donner parfois de l’éperon pour qu’elle bondisse plus joyeusement et plus haut : mais ne la laissez pas à l’écurie !


Une âme vivante. Cela se sent plus que cela ne peut se définir. Il aurait fallu le voir, l’entendre. Il est chez lui, à Uppingham. C’est le soir ; on cause, de tout, de rien et peu à peu les banalités tombent, on se sent emporté par le courant. Comment cela se fait-il ? Le maître n’a rien dit de bien neuf et d’illuminant. D’autres parlent bien et mieux auxquels on ne prend pas garde. C’est vrai, mais, — dit un témoin familier, — il y a chez lui un je ne sais quoi qui donne à ses pensées, à ses attitudes, à ses gestes, au son de sa voix, un caractère sacré. Vous vous rappelez le mot fameux sur Dante, sur cet homme qui revenait de l’enfer. Eh bien, quand Thring nous parlait des réalités du monde invisible, nous nous disions tout bas qu’il avait vécu dans ce pays mystérieux et qu’il en revenait pour en attester la gloire. Mais, ajoute le même écrivain, je n’ai pas dit ce que je voulais dire, car, rien au monde ne pourra donner une idée de la tranquille extase de son regard et de son beau front pendant qu’il répète ces grandes paroles au sujet d’un ami disparu. « Pour moi, plus je vais et moins je me résigne à la mort ! Non, la mort n’existe pas, la mort n’existe pas. To me, more and more, death is nothing ; there is no such thing as death, no such thing as death ! »


HENRI BREMOND.