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Tacite ajoute que, s’ils n’étaient pas de Rome, ils les envoyaient dans leur pays, pour en faire jouir leurs compatriotes. En même temps, les rhéteurs se mirent à courir le monde, comme aujourd’hui les chanteurs à la mode, donnant des séances publiques, qui leur rapportaient beaucoup d’honneur et assez de profit. C’est ainsi que le goût de la déclamation se répandit partout, et qu’il y eut, dans toutes les grandes villes, des écoles, comme à Rome, qui devinrent très florissantes. Pendant quatre siècles, toute la jeunesse de l’empire y a été élevée ; elle acheva d’y perdre l’usage de sa langue nationale ; elle y prit des habitudes, des sentimens, des croyances, un esprit nouveau, et de là vient certainement ce qui est resté du génie romain dans le monde. Chez nous, par exemple, l’empreinte a été si forte que, malgré les événemens et les années, elle ne s’est plus effacée : nous sommes toujours un pays latin, et si nous voulons avoir de nous une pleine connaissance, il nous faut remonter à nos origines.

On l’a dit souvent, et rien n’est plus vrai : ce n’est pas une étude inutile que celle d’un passé par lequel le présent s’explique, et quand, par exemple, nous cherchons à savoir, comme je viens de le faire, ce qu’étaient les écoles romaines, nous ne perdons pas notre temps à étudier une civilisation éteinte et qui n’a plus aucun rapport avec nous ; en réalité, nous nous occupons encore de nous-mêmes.


GASTON BOISSIER.