Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureuse de la méthode sûre et prévoyante qui conduisit, durant toute cette période de 1893 à 1898, la politique étrangère de la République. Notre expansion coloniale avait soulevé, en Afrique et en Asie, une série de « questions, » parfois très épineuses ; il était urgent de les résoudre ; et elles ne pouvaient l’être que l’une après l’autre, et, pour ainsi dire, l’une par l’autre, en commençant par les plus simples, pour finir par les plus complexes. Il était nécessaire, pour mener à bien une pareille tâche, d’embrasser tout l’ensemble de nos intérêts dans le monde, de saisir le lien qui unissait les différents problèmes que notre diplomatie allait aborder ; puis de sérier, et, en quelque sorte, de hiérarchiser les difficultés, pour les résoudre enfin, en profitant de nos alliances et des circonstances favorables qui pourraient se présenter. Ce fut l’œuvre, discrètement conduite et achevée, sans heurts et sans bruit, par M. Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, jusqu’au moment où la politique l’éloigna du pouvoir à l’heure même où, nos frontières africaines étant partout déterminées et la question du Niger définitivement réglée, celle du Nil restait seule et allait à son tour recevoir une solution. On sait comment ces dernières négociations, conduites dans un tout autre esprit et avec une tout autre méthode, aboutirent à la fatale convention du 21 mars 1899. — La guerre sino-japonaise, en 1895, avait provoqué « l’action commune » de la Russie, de l’Allemagne et de la France : cette entente permit au gouvernement français d’entreprendre et d’achever la conquête de Madagascar ; puis, cette première tâche accomplie, d’ouvrir des négociations pour la révision des traités tunisiens. Une à une, en commençant par celles qui n’avaient dans la Régence que de faibles intérêts et par nos alliées, les puissances furent amenées à reconnaître le droit supérieur de la France et à renoncer à leurs anciens privilèges. L’Autriche-Hongrie, la première, moyennant une très légère concession douanière, renonça, par la « Déclaration » du 20 juillet 1896, « à invoquer en Tunisie le régime des capitulations, » et à réclamer, pour elle-même, en vertu de la « clause de la nation la plus favorisée, » le régime établi ou à établir, en matière de douane et de navigation, entre la France et son Protectorat tunisien. » L’Italie, découragée dans sa résistance par l’attitude de l’Autriche-Hongrie, son alliée, comprenant que toutes les puissances finiraient par imiter la première, craignant surtout de rester isolée et dépourvue de