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des sciences physiques et mathématiques ; et l’influence de quelques hommes, au premier rang desquels il faut nommer Fontenelle[1] ; et enfin et peut-être surtout l’agitation que soulevait dans le monde littéraire et intellectuel, aux environs de 1695, la querelle des Anciens et des Modernes. La « Science » se distinguait de la connaissance ou du savoir par le caractère de nouveauté de ses découvertes et, en effet, on ne connaissait point avant Pascal les lois de l’équilibre des liquides, ni la théorie du pendule avant Huyghens. Oui ! en vérité, cela était neuf d’une autre nouveauté que la Logique de Port-Royal ou que les Glossaires de du Gange ! Quelques années encore et l’universalité, la nécessité des rapports qu’elle exprime, leur interdépendance, apparaissaient comme les caractères de la vérité scientifique et la différenciaient de la vérité historique. Il n’y a de science que de ce qui s’est vu deux fois, et le même, et qui se reverra. Seule d’ailleurs, et tandis que ni la peinture, ni la poésie ne réussissaient au plus qu’à égaler leurs modèles, la Science « avançait, » d’un mouvement, irrégulier peut-être, mais toujours « progressif, » les découvertes de Copernic ayant préparé celles de Kepler, auxquelles on avait vu s’ajouter celles de Galilée, suivies elles-mêmes de celles de Newton. Une conception totale de la nature s’organisait, dont les traits essentiels étaient la stabilité de ses lois, la liaison de ces lois entre elles, l’espérance lointaine de les réduire à une formule unique. Le genre de certitude que comporte renonciation de la vérité mathématique ou physique devenait la mesure ou le type de toute certitude. La propagande encyclopédique, menée par des hommes dont quelques-uns étaient des « savans » comme d’Alembert, et les autres, à commencer par Voltaire, Diderot et Rousseau, des littérateurs ou des philosophes plus ou moins informés de la « Science » de leur temps, se plaisait à opposer son évidence démonstrative aux conjectures, toujours incertaines, de l’histoire ou de la philosophie, de la morale même et de la théologie. Condorcet, à la fin du siècle, 1794, dans son Essai sur les progrès de l’esprit humain, résumait, précisait, arrêtait ou fixait la doctrine : on peut même dire qu’il la codifiait. Et

  1. L’Académie française a mis récemment an concours, pour le prix d’Éloquence à décerner en 1904, l’Eloge de Fontenelle ; et de ce concours nous espérons voir sortir le livre que nous n’avons pas, qu’il nous faudrait sur Fontenelle, et un livre dont l’intérêt, nous osons en répondre, passerait de beaucoup l’intérêt de ceux que nos docteurs consacrent aux Favart ou aux La Chaussée.