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verse un torrent de larmes. Le baron le suit, l’emmène dans sa chambre et lui donne les plus tendres consolations. Le prince pleurait toujours, et M. Cauchy, témoin de cette scène touchante, ne put la raconter sans être lui-même profondément ému.


Une dernière tentative de Charles X pour garder M. de Damas sans les Jésuites ayant échoué, il fut convenu que le baron cesserait ses fonctions le 1er novembre.

La Révolution triomphait, ou plutôt croyait triompher, car, en dépit de ses efforts, la caractéristique religieuse imprimée par le baron de Damas à l’éducation du Duc de Bordeaux se maintint et même se développa. Deux hommes y contribuèrent puissamment : MM. Billot et Cauchy. Le premier, conseiller au Parlement d’Aix, avait montré pendant les Cent-Jours un grand caractère ; procureur du Roi à Paris en 1830, il avait donné sa démission et était venu en Angleterre offrir ses services à Charles X. A l’époque dont nous nous occupons, il venait d’être attaché à l’éducation du jeune prince en qualité de professeur de droit et de législation. Quant à M. Augustin Cauchy, autant les libéraux exaltaient Barrande, autant ils mettaient de soin à passer sous silence la science presque prodigieuse du nouvel instituteur. Illustre à vingt-cinq ans par ses découvertes mathématiques, la Révolution de 1830 l’avait trouvé professeur à l’École polytechnique, à la Sorbonne et au Collège de France. Il ne tenait qu’à lui de poursuivre une si brillante carrière : sa foi politique l’empêcha de prêter serment à Louis-Philippe. Le roi de Sardaigne crée à son intention une chaire de physique : M. Cauchy l’abandonne aussitôt que Charles X fait appel à sa science et à son dévouement. Rentré à Paris en 1848, la chute de Louis-Philippe lui permit de reprendre sa chaire à la Sorbonne. Il dut l’abandonner en 1852 sur un nouveau refus de serment : deux ans plus tard, Napoléon III, rendant hommage à ce beau caractère, le fit réintégrer avec dispense de serment[1]. Il mourut en 1857.

  1. Voyez La Congrégation (1801-1830), par G. de Grandmaison, Paris, 1889, Plon, p. 71-79. — Disons à ce propos que le baron de Damas, pas plus que le marquis d’Hautpoul, ne voulut faire partie de la Congrégation, et pour les mêmes motifs : homme politique, il ne voulait pas qu’il fût dit qu’il appartenait à une société secrète.