Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/688

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entier, une si remarquable autorité, dit que l’apparition, dans la baie de Chesapeake, du Monitor, le prototype des navires à tourelles et des gardes-côtes cuirassés, a été l’un des plus importans événemens de cette guerre, le point de départ d’une évolution qui n’est pas terminée.

Après la chute de la confédération sudiste, l’attention des Américains, occupés à la réparation des désastres de la guerre civile, fut détournée des problèmes maritimes. Mais cette indifférence prit fin brusquement, vers 1883, sous l’administration du président républicain Chester Arthur, lorsque l’opinion publique fut mise en éveil aux États-Unis par le développement que prenaient les forces navales, non seulement en Europe, mais chez des nations de rang inférieur, comme le Chili, le Brésil, le Japon. Le désir de doter l’Union d’une puissante flotte de guerre s’empara dès lors des Américains, et ce mouvement d’opinion entraîna le gouvernement et les deux partis qui se disputent la direction des destinées du pays. Il fut résolu que les États-Unis posséderaient, en grand nombre, des navires de guerre du type le plus moderne, qui seraient construits en Amérique, par des capitaux américains, avec des matériaux d’origine américaine, et qui seraient pourvus d’une machinerie et d’une artillerie fabriquées aux États-Unis.

Les arsenaux, ateliers, usines et chantiers déjà existans furent agrandis, développés. On en créa de nouveaux, avec un outillage perfectionné et d’une puissance sans rivale pour la production des plus fortes plaques de blindage et des plus gros canons. On avait voulu faire grand et vite, et l’on y réussit. Le Congrès vota tous les crédits nécessaires. Les Américains construisirent d’abord des croiseurs protégés, puis transformèrent quelques-uns des monitors nouveaux, lancés depuis la guerre civile, abordèrent enfin la fabrication des croiseurs cuirassés et des grands cuirassés de combat. Les premiers de ces bâtimens étaient déjà en service en 1895. Ils suffirent à l’anéantissement de la force maritime de l’Espagne en 1898.

Le gouvernement fédéral ne se préoccupa pas seulement de constituer un solide matériel naval. Il prit aussi des mesures en vue de l’instruction du personnel, et surtout de la formation d’un corps d’officiers de mer capables de manier avec la science et l’intelligence nécessaires l’instrument qu’on se préparait à mettre entre leurs mains. L’Académie d’Annapolis instruisait