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upon History, saluèrent dans le capitaine Mahan, non seulement le plus distingué des écrivains sur la stratégie navale, mais le créateur en quelque sorte de ce qu’on peut appeler la philosophie de l’histoire navale.

Mahan n’a pas inventé le terme de Sea Power. Nombre d’historiens l’ont employé avant lui, et même ont saisi le sens profond qu’il recèle. Mais il a rendu cette signification plus intense et plus vivante. L’Angleterre a produit de bons écrivains en matières navales : parmi les plus récens, l’amiral Colomb, le capitaine et professeur Burrows, le professeur Laughton (Studies in naval History). Mahan leur est supérieur, parce qu’il est à la fois plus historien que ceux de ces écrivains qui sont stratégistes, et plus stratégiste que ceux qui sont plutôt historiens. Il a surtout plus que les uns et les autres le sens philosophique. L’ensemble de ses ouvrages est une vaste analyse à travers les temps et les régions, une recherche des sources où la « maîtrise de la mer », le Sea Power, puise sa croissance et sa force, des conditions nécessaires pour la conquérir et pour la conserver, des résultats auxquels sa possession permet d’aspirer.

L’instinct populaire et la politique des hommes d’État avaient, il est vrai, été plus clairvoyans que les historiens de la marine britannique. C’est par le Sea power que le premier Pitt édifia l’empire anglais, et que le second Pitt le maintint. Wellington, qui fut l’instrument de la chute de l’empire de Napoléon, n’a été qu’un résultat du Sea power. C’est la maîtrise de la mer qui, seule, lui donna accès dans la péninsule, et lui permit de soutenir les armées qui finalement vainquirent les forces de l’Empereur. Quant à l’instinct populaire, il place avec raison le héros de Trafalgar au-dessus même du héros de Waterloo. Nelson est le symbole, la personnification du seul élément de force nationale contre lequel le génie de Napoléon ait lutté vainement. Cet élément est le Sea power.

Au contraire, les historiens anglais avaient traité, pour la plupart, l’histoire navale de leur pays comme une série d’épisodes extérieurs, subordonnés à des entreprises militaires contemporaines, et non comme le facteur dominant, central, de la fortune de la nation et de l’empire. « Il a été réservé, dit le Times en 1893, à un écrivain américain de nous montrer, presque pour la première fois, ce qu’est réellement le Sea power et quelle a été son influence sur la marche des événemens historiques et sur la