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proche possible, du « Fret de retour » qui y attirera les bateaux marchands, et qu’en attendant, l’Etat prenne soin d’y accumuler tous les approvisionnemens en charbon dont l’arsenal et le port pourraient avoir besoin, dans le cas d’une guerre ou d’un séjour prolongé de nos escadres.


VI

Dans un an, l’arsenal de Sidi-Abdallah, muni d’un bassin de radoub et des ateliers les plus indispensables, sera en état de faire à une escadre les réparations les plus urgentes, de la ravitailler en charbon, en vivres, en munitions ; dans cinq ans, il sera entièrement achevé et devenu l’un des établissemens maritimes les plus complets et les mieux outillés du monde entier. Ce jour-là, comme le disait, dans son discours du 12 janvier, à Saint-Etienne, M. Waldeck-Rousseau, anticipant quelque peu sur les événemens, « un port sans rival s’ouvrira à nos flottes dans la Méditerranée. » Au lieu d’un Toulon, au lieu d’un seul centre et d’une seule citadelle de sa puissance navale dans la mer Intérieure, la France en possédera deux qui, d’une rive à l’autre, se feront pendant et pourront se prêter un mutuel appui. Et ces deux places d’armes ne seront pas une petite île ou un bloc de rocher, perdus loin des côtes de la mère-patrie ; elles auront derrière elles toute la puissance militaire, toutes les ressources de la vieille France et de la France africaine. Nos escadres de la Méditerranée, disposant de cette double base d’opérations, trouvant en outre un « point d’appui » ou un refuge momentané à Porto-Vecchio et à Mers-el-Kebir, pourront devenir plus mobiles, plus offensives ; bien abritées à Toulon et à Bizerte, dégagées du souci de la défense des côtes par l’organisation des postes de la « défense mobile, » elles seront libres de choisir leur heure pour frapper un coup décisif. Toulon et Bizerte, avec la Corse, cette admirable forteresse naturelle qu’il serait si facile de rendre inexpugnable, avec Mers-el-Kebir ou Rachgoun, jalonnent une ligne française qui relie l’Algérie-Tunisie à la Provence et d’où nous tenons en échec Malte et Gibraltar, la Maddalena et la Spezzia. Solidement appuyée sur Bizerte, la puissance française pourra rayonner, avec plus d’éclat que jamais, vers l’Orient, où tant d’intérêts français périclitent, vers l’Egypte, où la « question du Nil » est toujours pendante.