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l’administration de son département… S’agit-il de politique extérieure, il n’y a que le ministre des Affaires étrangères qui ait mission de parler et d’agir au nom du gouvernement. Telle est la vérité du régime parlementaire. » M. Combes a raison. Il serait dangereux au suprême degré d’avoir deux ministres des Affaires étrangères, et, si telle n’avait pas été auparavant l’opinion de M. Delcassé, elle lui serait certainement venue en lisant les discours de M. Pelletan. C’était bien la peine d’avoir négocié longtemps, patiemment, habilement, avec l’Italie, et d’être arrivé aux résultats heureux dont les deux pays se sont félicités, pour que M. Pelletan vînt prononcer son discours d’Ajaccio ! Un pareil désordre devait cesser à tout prix. Mais cessera-t-il ? M. Pelletan comprendra-t-il la leçon qui lui a été administrée ? S’y soumettra-t-il ? Bornera-t-il désormais son activité au département de la Marine ? Cessera-t-il enfin de toucher à tout et de parler de tout, puisque d’ailleurs il sait tout ? Nous pensons plutôt qu’en lisant le discours de M. Combes, il a dû se dire qu’il était fait pour être lui-même président du Conseil : il pourrait alors répandre sur tous les sujets, avec autant d’autorité que d’abondance, ses vues, ses idées, et même les calembours qu’il se permet quelquefois. Mais M. Loubet songera-t-il à lui lors de la prochaine crise ministérielle ?

Le discours de Matha est celui d’un bon démocrate qui appelle les choses par leur nom. Pour un peu, il aurait dit à M. Pelletan : Vous aviez peut-être trop bien diné ? Et, au fait, ne le lui a-t-il pas dit ? Veut-on voir, par opposition, comment procède en pareil cas un parfait aristocrate, afin d’apprécier la différence des deux procédés ? Il y a quelque temps, M. Chamberlain avait prononcé, lui aussi, en dehors des Chambres, un discours qui pouvait mettre le gouvernement dans l’embarras. Lord Salisbury fut interrogé à ce sujet, et on se demandait ce qu’il allait répondre. — Lequel discours de M. Chamberlain ? répondit-il. Je n’ai pas eu le temps de le lire. — Tout compte fait, peut-être vaut-il mieux être en butte à la bourrade de M. Combes qu’à la merveilleuse insolence de lord Salisbury. Il a fallu de longues phrases à M. Combes pour expliquer doctrinalement, à grand renfort de principes, que le discours de M. Pelletan n’avait pas d’importance : un mot a suffi à lord Salisbury pour faire sentir qu’à ses yeux, celui de M. Chamberlain n’existait même pas. Dans les deux cas, c’est la même théorie, à savoir qu’un ministre, parlant en son nom individuel, ne saurait engager le gouvernement. Mais la manière de M. Combes rappelle le coup de poing et celle de lord Salisbury le coup de cravache. En somme le résultat est le même. M. Pelletan devrait bien en