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Ainsi, par sa situation, Bizerte est destinée à être à la fois le grand port militaire de la Méditerranée française, le Toulon de l’Algérie-Tunisie et une citadelle de la « plus grande France. » Elle symbolise le double caractère de nos possessions de l’Afrique du Nord : elles ont leur individualité propre, elles sont l’Algérie et la Tunisie, mais elles sont aussi, et avant tout, des parties de « l’empire français ; » elles ont leur rôle et leur place dans le plan général de notre politique, elles contribuent pour leur part à la grandeur présente de la mère-patrie et elles travaillent à lui préparer un avenir de puissance, de prospérité et de gloire.

Si d’aventure l’on était tenté de nous accuser, au relourde cette visite à Bizerte, d’avoir vu trop grand, c’est encore à la ville nouvelle, à son lac, à son arsenal que nous irions demander notre excuse. Comment ne pas concevoir de vastes espérances, comment ne pas vibrer d’une émotion intense, en présence de cette œuvre française qui est venue compléter l’œuvre grandiose de la nature elle-même, et dont la conception si nette et l’exécution si rapide attestent, avec tant d’éclat, la puissance et la fécondité de notre génie national laissé à son libre développement ? Il n’est, sans doute, qu’une chose au monde qui puisse produire sur l’âme humaine une impression plus profonde que la contemplation des vestiges d’un passé illustre, c’est le pressentiment d’un glorieux avenir. Nulle part cette double émotion n’est plus saisissante qu’en Tunisie, sur les rivages où Carthage régna dans sa splendeur, et parmi les travaux de Bizerte naissante.


René Pinon.