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suis trop peu avancé encore pour vous adresser mes critiques. En attendant, permettez-moi de vous féliciter du courage qu’en ce temps d’hypocrisie vous avez eu de dire que, ni la superstition, ni l’athéisme, ni l’immoralité ne tuent les sociétés[1].

Veuillez agréer, monsieur, l’expression de tous mes sentimens de la plus haute considération,


Mercredi soir.

Paris, s’avril 1854, 52, rue de Lille.

Monsieur,

Je remets aujourd’hui à M. de Lesseps les lithographies que vous désirez voir. Je n’ai pu vous les envoyer plus tôt parce qu’elles étaient entre les mains d’un de mes amis qui prépare, je crois, un mémoire sur le monument qu’elles représentent. Je vous serais obligé de me les renvoyer lorsque vous les aurez examinées à loisir.

J’ai marqué au crayon les dessins dont les originaux sont au musée de l’Académie de l’histoire à Madrid, où je les ai vus. Je crois ceux-là authentiques. C’est aussi l’opinion de M. de Longpérier qui les a examinés avec toutes les préventions possibles. Quant aux fragmens demeurés à Tarragone, mon ami M. Delgado, anticuario de l’Académie de l’histoire, les croit également authentiques. Il a été envoyé à Tarragone l’année passée pour y faire une espèce d’enquête. C’est un homme très loyal, très consciencieux et habitué aux antiquités. Je ne sais si je vous ai déjà parlé des circonstances de la découverte. En voici l’abrégé en deux mots. Des galériens, qui travaillent à tirer de la pierre pour les travaux du port de Tarragone, ont découvert un tombeau en marbre sur les côtés duquel à l’intérieur, et à l’extérieur, il y avait des dessins[2]. Le marbre a été creusé à une certaine profondeur et les creux remplis d’un mastic noir. Quelques-unes des compositions sont en outre rehaussées de couleur. Les galériens ont cassé le tombeau dans l’espoir d’y trouver des objets précieux, mais il n’y avait dedans qu’un squelette emmailloté ayant une idole sur la poitrine et quelques petits vases. Tout

  1. Cette lettre accusant réception du premier volume de l’ouvrage de Gobineau sur l’Inégalité des Races humaines doit remonter à la fin de 1853 ou au commencement de 1854.
  2. Mérimée a publié dans ses Mélanges historiques (Paris, 1855), une notice sur ce tombeau.