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précédente, celle de 1898, lorsque, à peine née, elle se fut, à propos de la « vérification des pouvoirs, » regardée au miroir déformant du suffrage universel inorganique réfracté par le scrutin d’arrondissement, avait comme reculé devant sa propre image. Dans les deux mois de la courte session, en quelque sorte préparatoire, qu’elle tint pour « faire connaissance, » pour se constituer, dans les seuls mois de juin et de juillet, elle vit éclore, elle fit éclore quatorze propositions de loi, qui toutes tendaient à la purifier en ses origines. Ce qu’il en advint, Dieu le sait, et chacun s’en doute : rien ou presque rien.

À peine née, elle aussi, et dans l’accomplissement de cette même besogne de validation et d’invalidation, la Chambre de 1902 s’est entrevue, et elle ne s’est pas trouvée belle. Elle a senti que, toute chaude encore de la lutte et toute frémissante de passion mal apaisée, elle n’était à aucun degré qualifiée pour une œuvre de justice. Chaque fois que, dans le cours du débat, selon que la personne en cause était de la majorité ou de la minorité, elle a changé sa procédure ou retourné sa jurisprudence, aussitôt elle en a éprouvé comme un soudain repentir et comme une confusion secrète. Elle le faisait, parce que le premier mouvement était le plus fort ; mais elle se savait au fond mauvais gré et se gardait un peu rancune de l’avoir fait. À ce moment, elle eût volontiers, ou du moins beaucoup de ses membres eussent sans difficulté abandonné une prérogative aussi compromettante. Mais tel est l’admirable arrangement de nos institutions, que la Chambre ne peut pas d’elle-même et à elle seule renoncer à ce droit, le plus personnel de tous et celui de tous qu’elle devrait pouvoir lâcher ou retenir le plus aisément. Pour décider que, désormais, il ne serait plus procédé par elle, mais, comme en d’autres pays, par une cour ou un tribunal, à cet acte éminemment judiciaire ou juridique de la « vérification des pouvoirs, » on ne peut rester à Paris, il faut aller à Versailles ; ce n’est pas la Chambre qui est compétente, c’est le Congrès ; et ce n’est pas le règlement de la Chambre qu’il s’agit de modifier, il ne s’agit de rien de moins que de réviser la constitution. La loi qui régit l’élection des députés n’est pas constitutionnelle ; mais ce point particulier l’est explicitement.