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avec les Chambres. Avec les ministres pris dans les Chambres, trop de ministrables, trop peu de ministrés, et, pour qu’il y en ait davantage, trop de chutes de ministères ; trop de changemens, sinon de changemens, et, sinon de bouleversemens, trop de renversemens ; trop de marchandage et trop de compagnonnage. Trop de politique, — si cela n’est pas tout bonnement de l’intrigue, — et trop peu d’administration ; trop d’éloquence, — si cela n’est pas tout bonnement du bavardage, — et trop peu de travail.

Objectera-t-on que c’est justement là le nœud du régime parlementaire : un ministère, un cabinet faisant le pont, établissant la communication entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ? À quoi nous répondrons : oui, dans le régime parlementaire anglais et pour des raisons historiques, où la forme monarchique du gouvernement et la personne même du souverain entrent pour beaucoup ; non, dans la démocratie américaine, où il n’y a pas de souverain héréditaire, mais un président élu pour un temps très court. Et il y aurait, comme disait l’autre, « à faire plus d’une réflexion là-dessus ; » mais ce n’est pas le lieu, ou ce n’est pas le moment ; laissons la théorie et venons-en à la pratique.

En pratique, — et pour ne pas rompre tout à fait le lien entre l’exécutif et le législatif, pour conserver en sa substance et son essence le régime parlementaire, sans verser dans son abus et son excès, — gardons un ministre parlant, un ministre parlementaire, intermédiaire entre le Président et les Chambres, délégué, plénipotentiaire du Président auprès des Chambres, et délégué, plénipotentiaire des Chambres auprès du Président ; assisté, au besoin, pour la discussion, de commissaires techniques, mais n’en ayons qu’un de cette sorte. Responsable devant le Président, qui pourrait le renvoyer, et responsable devant les Chambres, qui pourraient le renverser, ce ministre unique, chef et bouche du gouvernement, préciserait et personnaliserait en lui la responsabilité, qui ne se vaporiserait plus, ne se volatiliserait plus, et, de fictive qu’elle est maintenant, deviendrait effective. D’autre part, et par ce moyen, soustrait à la fréquentation assidue, à la pression incessante du parlement, le ministère redeviendrait maître de son action, libre en sa direction, dans son domaine reconquis.

Point de doute, c’est cela qu’il faut faire, et cela peut se faire