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toutes les coalitions et toutes les compromissions ; pourquoi cet illogisme des deux tours de scrutin, avec la majorité absolue nécessaire au premier, la majorité relative suffisante au second, et, entre deux, quinze jours de perturbation et de maquignonnage ? Puis il y aurait à ressusciter en France la vie communale ou à la réveiller, si elle n’est qu’endormie, et sans doute y réussirait-on en dotant ce pays du referendum municipal (qui non seulement est inoffensif, mais pourrait être instructif ou, qu’on nous passe le mot, éducatif). Donc nous ne prétendons pas que tout soit dans les cinq réformes dont se composera, selon nous, la réforme parlementaire ; et nous n’oublions pas que, ces cinq réformes faites et, par elles, la grande réforme, il resterait à faire le principal, c’est-à-dire la politique ; nous aurions le cadre, il resterait à y mettre le tableau ; et nous aurions l’outil, il resterait à faire l’ouvrage.

Nous osons bien dire pourtant que c’est par elles qu’il faut commencer, puisque la première condition pour faire l’ouvrage, c’est d’avoir l’outil ; la première précaution, pour l’avoir à sa main, c’est de le forger ou de le polir soi-même ; et c’est précisément ce que, de leur côté, les socialistes se sont dit. On les a vus, on les voit chaque jour se parlementariser ; mais, tout en se parlementarisant, ils estiment que le parlementarisme, dans l’état où ils l’ont trouvé, n’est point encore pour leur entreprise de démolition, pour leur œuvre de destruction (leurs reconstructions n’apparaissent qu’au loin), un instrument assez sûr ni assez rapide. Il leur oppose encore trop de frottement. Profitant de ce que c’est leur groupe, le groupe socialiste de gouvernement, qui déclenche et meut la majorité, ils voudraient se servir du bloc comme d’un marteau-pilon à briser toutes les résistances, broyer l’opposition, et réduire du même coup la société en poussière. Ils ne « parlementassent » le socialisme qu’afin de « révolutionnariser, » de « socialiser » le parlementarisme. Il leur faut un parlement qui puisse tout, c’est-à-dire par lequel ils puissent tout ; ils puissent abolir n’importe quelle institution politique ou civile ; ils puissent opérer par la loi avec plus de certitude que par la force.

Mais, parce qu’ils le veulent et parce qu’il le leur faut, nous voulons, nous, et il nous faut, un parlement qui ne puisse pas tout ; où ils ne puissent pas tout ; dans lequel et au besoin contre lequel toutes les libertés et tous les droits soient en sûreté ; et,