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fût souvent tout le contraire, comme nous le voyons dans les villages où est encore maintenue par tradition la vieille loi de coutume. Au Congrès International qui fut tenu à Londres en 1899, une déléguée russe, Mme Maria Boubnoff, a donné de curieux détails sur la situation légale des femmes de son pays. Elle nous a prouvé que la question de leurs droits fut agitée en Russie beaucoup plus tôt que dans les parties occidentales de l’Europe. Ces droits, Pierre le Grand les leur octroya. Les mains vigoureuses qui plantèrent, bâtirent, façonnèrent la Russie à l’européenne, signèrent aussi l’édit émancipateur qui défendait aux parens et aux maîtres de marier contre leur gré enfans et subordonnés. Catherine fit beaucoup à son tour pour l’éducation des filles. En ce qui concerne les hautes études seulement, la femme russe de nos jours n’a pas les mêmes avantages que l’homme. Il faut toute l’ardeur et la ténacité de son vouloir pour arriver à une carrière. Mais sur d’autres points l’égalité est à peu près complète ; elle ne peut se plaindre que du genre d’oppression appliquée non moins également aux deux sexes. La femme propriétaire, fille ou veuve, a sa voix dans les assemblées du Zemstvo, avec cette unique restriction que son vote doit être déposé par un homme de sa parenté. Au village, dans l’assemblée communale dont tous les chefs de famille sont membres et où se discutent les questions d’intérêt local, les femmes sont autorisées par la mort ou l’absence de leur conjoint à se mêler aux délibérations.

Combien de fois ai-je remarqué, comme un fait symbolique, la ressemblance extérieure du paysan et de la paysanne russes ! A mesure surtout que l’hiver imposait à tous les deux les mêmes bottes, la même svietka fourrée, il devenait difficile de les reconnaître entre eux. Même démarche résolue, même aspect solide. L’été, ils prennent part indistinctement aux mêmes travaux agricoles ; l’hiver, ils participent aux mêmes industries. Et la même morale leur est appliquée.

En voici un exemple parmi beaucoup d’autres. Une jeune fille, placée comme servante, a mal tourné dans la grande ville ; elle revient à son village natal et confesse son péché aux anciens qui se rassemblent pour juger le cas. L’adoption de l’enfant est mise aux voix ; le petit sera élevé aux frais de la commune. De là le grand nombre d’enfans qui portent le nom de Miron, enfant du mir, quoique ce nom ne soit pas