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C’est toujours le même raisonnement ; ce sont les mêmes mots ; c’est la même hypothèse fondamentale : l’arrangement, l’assemblage, la construction, l’agrégation, sont impuissans à faire surgir dans le complexe rien de nouveau qui soit essentiellement hétérogène à ce qui existe dans les élémens. Et, inversement, le groupement fait apparaître dans le complexe une propriété qui est le développement graduel d’une propriété analogue de l’élément. C’est en ce sens qu’il existe une âme collective des foules dont M. G. Le Bon a mis en lumière les manifestations. De même, beaucoup de sociologues, adoptant l’idée avancée par P. de Lilienfeld en 1865, attribuent aux nations une individualité formelle, sur le type de celle qui appartient à chacun de leurs membres. M. Izoulet fait de la société un organisme qu’il appelle hyperzoaire. Herbert Spencer a développé la comparaison de l’organisme collectif à l’organisme individuel, en insistant sur les ressemblances et les dissemblances. Th. Ribot a donné le pas aux ressemblances.

Le postulat que nous posons nettement ici est sous-entendu, comme un axiome, par beaucoup d’esprits. En disant : il n’y a rien dans le complexe qui ne soit dans les parties, on croit exprimer une vérité évidente : on n’exprime, en réalité, qu’une hypothèse. Que l’arrangement, l’agrégat, les groupemens compliqués et savans des élémens ne puissent rien faire surgir de réellement nouveau dans l’ordre phénoménal, c’est là une assertion qui demande à être vérifiée dans chaque cas particulier.

Comme, d’autre part, tous les êtres de la nature sont précisément des arrangemens, agrégats ou groupemens de la même matière universelle, c’est-à-dire des mêmes corps simples chimiques, il résulte du postulat précédent que leurs activités ne peuvent différer que par le degré, la forme, et non point par le fond. Il n’y a, entre ces activités des diverses catégories d’êtres, aucune différence essentielle de nature, pas d’hétérogénéité, pas de discontinuité. — On peut passer de l’une à l’autre sans rencontrer d’hiatus ou d’abîme infranchissable. — La loi de continuité apparaît ainsi comme une simple conséquence de l’hypothèse fondamentale : et, de même l’évolution, qui n’est que la continuité en action.

Telles sont les origines de la doctrine philosophique qui universalise la vie et l’étend à tous les corps de la nature.

On remarquera que cette doctrine n’est pas seulement celle