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que cette conception simplifie prodigieusement — et l’on peut dire trop — l’obscur problème du rapport de la forme à la substance chez les êtres vivans. Tout tient en une phrase : « Il y a une relation établie entre la forme spécifique et la composition chimique : la composition chimique dirige, entraîne la forme spécifique. »

Ce n’est pas le moment d’examiner à fond cette manière de voir. Si elle est autre chose qu’une simplification verbale, qu’une unification du langage appliqué aux deux ordres de phénomènes, elle implique une assimilation des mécanismes qui les réalisent. Aux forces organogéniques qui dirigent la constitution des organismes vivons on fait correspondre les forces cristallogéniques qui groupent, accommodent, équilibrent et harmonisent les matériaux du cristal.

On a encore signalé une autre analogie. Chez les animaux et les plantes la parenté des formes révèle la parenté du sang, la communauté d’origine, et le voisinage dans les cadres de la classification. De même l’identité des formes cristallines trahit la parenté minérale.

Les substances chimiquement analogues se présentent avec des formes identiques, géométriquement superposables, et se rangent ainsi en groupemens familiaux ou génériques reconnaissables au premier aspect. Il y a plus, la possibilité de se remplacer dans un même cristal pendant l’opération de leur formation et de mêler ainsi, en quelque sorte, leurs élémens congénitaux, peut être mise en parallèle avec la possibilité pour les êtres vivans de la même espèce de se mêler par génération. L’isomorphisme est ainsi une sorte de faculté de croisement. Et, de même que l’impossibilité du croisement est la pierre de touche de la parenté taxonomique, qu’elle en est l’épreuve, séparant les souches qui doivent être séparées ; ainsi, l’opération de la cristallisation est aussi le moyen de faire sortir du mélange accidentel des espèces minérales les formes pures qui y sont confondues. La cristallisation est la pierre de touche de la pureté spécifique des minéraux : elle est le grand procédé de purification chimique.

On a poussé plus loin encore, et presque jusqu’à l’abus, la poursuite des analogies entre les formes cristallines et les formes vivantes.

On a comparé la symétrie interne et externe des animaux et des plantes à celle des cristaux. Des transitions ou des passages