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nouveau ! La grève, qui était à l’origine et qui aurait dû toujours rester un fait d’ordre privé, devient un fait d’ordre public : elle sert à exercer une pression sur le gouvernement lui-même. Les ouvriers traitent avec lui de puissance à puissance, avec la persuasion qu’ils seront en fin de compte les plus forts. Quoi qu’il en soit, ils commencent par la rupture, se réservant de dire plus tard les conditions auxquelles ils consentiront à reprendre le travail.

Ces conditions sont maintenant connues. Elles ont été notifiées à la fois par M. Cotte, secrétaire général du Comité national des mineurs, à M. le président du Conseil et au Comité des houillères de France, sur le caractère duquel il se méprenait, comme on le verra bientôt. Le ton employé à l’égard du gouvernement était sec et tranchant ; il était froid, mais poli à l’égard du Comité des houillères. « Nous osons espérer, disait M. Cotte à M. Combes, que le gouvernement s’emploiera à faire aboutir ces lois avec toute la diligence que nous en attendons. Dans le cas contraire, nous verrions à prendre telles mesures que comporte la situation. » C’est évidemment de la grève générale que M. Cotte menaçait M. Combes, s’il ne répondait pas comme il fallait.

M. Combes a répondu dans les termes les plus bénins. Sur les deux points qui ont déjà été soumis aux Chambres, à savoir la limitation des heures de travail à huit heures et les retraites ouvrières, il a promis de faire tout ce qui dépendait de lui pour que l’œuvre parlementaire fût poussée activement. Il s’est bien gardé de dire un mot des difficultés qu’elle devait inévitablement rencontrer et qui en retarderont l’achèvement. La Chambre a, en effet, voté une loi qui diminue par étapes successives la durée des heures de travail et finit par la ramener à huit heures. Cette loi est maintenant soumise au Sénat, dont la commission n’a pas encore terminé son travail, et M. Combes n’ignore pas les résistances très fortes qui s’y sont produites. Il n’est pas probable que la loi soit votée au Luxembourg dans les mêmes conditions qu’au Palais-Bourbon. Quant à la loi sur les retraites ouvrières, M. le président du Conseil a rappelé qu’elle était encore pendante devant la Chambre ; mais il sait fort bien que le projet déposé par l’ancien ministère n’a pas pu résister à l’épreuve de quelques jours de discussion et qu’il n’a aucune chance d’être voté, à moins d’être remanié dans ses principes encore plus que dans ses détails. Si on veut réellement aboutir, un autre projet de loi est indispensable. Reste la question du minimum de salaire. À cette question, déjà posée il y a un an, M. Waldeck-Rousseau avait répondu que le