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droit stipulé par traité ; un sieur Porcher s’enrichit en créant une agence, qui revendit en détail au public ces billets qu’elle acheta en bloc aux auteurs. Et l’usage s’établit que ces derniers demandèrent d’autres billets « de faveur, » lorsqu’ils voulurent faire des politesses autour d’eux.

Les écrivains dramatiques ne sont pas partout aussi bien traités que chez nous, et, par exemple, en Allemagne, où il n’existe aucune société qui règle leurs rapports avec les directeurs, ceux-ci paient fort peu de chose aux éditeurs pour les œuvres anciennes qui composent leur répertoire, et de 5 à 7 pour 100 pour les œuvres nouvelles, suivant leur importance et la réputation de l’auteur. Si la situation en France est tout autre, nos confrères le doivent à leurs aînés et à leur commission exécutive ; et celle-ci, à son tour, a eu la chance de mettre la main sur des agens généraux, actifs et fidèles, dont l’un, Alexandre Roger, après l’avoir servie pendant quarante ans, est remplacé depuis dix-sept ans par son fils. Ces agens, par les yeux et les mains de correspondans multiples qu’ils stimulent et contrôlent, arrivent à percevoir partout et sur tous, depuis les sociétés d’amateurs jusqu’aux troupes foraines qui jouent sous la tente.

La répartition des droits offre quelques anomalies : le librettiste d’une opérette reçoit même part que le musicien, ce qui est équitable parce que l’un et l’autre ici contribuent au succès dans une égale mesure : mais on est surpris de voir qu’un opéra, comme Faust ou les Huguenots, rapporte autant au parolier qu’à Gounod ou à Meyerbeer. Aussi Castil-Blaze disait-il plaisamment que chaque vers de Freyschütz lui avait rapporté 1 000 écus.

Parmi les pièces à succès, les gros bénéfices ne sont pas toujours pour celles qui ont le plus de mérite. Une féerie, un mélodrame ou une farce qui réussit, enrichit bien davantage son auteur qu’un ouvrage en cinq actes à la Comédie-Française. Les droits d’une année heureuse, qui atteignent 120 000 francs aux Nouveautés, 100 000 francs au Vaudeville, 185 000 francs à la Porte-Saint-Martin, peuvent entrer dans une seule poche, si, comme il arrive exceptionnellement, le spectacle n’a pas changé durant 300 jours. Mais, si les gains sont moindres aux Français, dans le début, les pièces y restent plus longtemps sans épuiser leur public. Sur les sommes qu’elle encaisse, la Société des Auteurs sert annuellement 110 000 francs de pensions et distribue