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apprise, montée et représentée. Quelques grandes villes offrent encore des situations sortantes aux « jeunes premiers » de province et aux « étoiles » de décentralisation, que la lumière révélatrice et impitoyable de Paris reléguerait peut-être, s’ils abordaient les scènes de la capitale, en des emplois secondaires. Ceux-là constituent la classe moyenne de la profession.

Au-dessous d’elle, vague et peine un peuple de « cabotins » des deux sexes, perpétuellement en quête de débouchés. Heureux sont-ils de prendre place dans une « tournée » passagère ; non point de ces pérégrinations triomphales, où la troupe créatrice initie au dernier succès parisien des chefs-lieux, dont la salle est louée d’avance par la fine fleur de la « première société, » qui d’ordinaire dédaigne d’aller au théâtre. Les autres sont des promenades modestes, où les acteurs exploitent les localités et casinos disponibles, suivant l’itinéraire tracé par un directeur d’agence qui ne se dérange point et perçoit une rémunération pour ses frais.

Ce sont les mêmes agences dramatiques qui servent d’intermédiaires entre les imprésarios et les artistes, à qui elles fournissent des engagemens en France ou à l’étranger. Elles prélèvent une commission de 2 et demi à 5 pour cent, mais payable d’avance pour toute l’année ou le semestre ; de sorte que si, pour un motif quelconque, il ne réussit pas, ou si ses appointemens cessent d’être payés, le malheureux acteur se trouve avoir versé en courtage le tiers ou le quart de son gain. Terrible négoce que celui de ces bureaux de placement théâtral. Parmi ces procureurs, objet de bien des critiques, il en est d’honnêtes ; mais la plupart, disait Sarcey, « sont des sangsues qui pompent les sous des artistes et font le désespoir des directeurs de province. » On parle toujours de les supprimer ; le difficile est de les remplacer, parce qu’après tout, ils rendent service à de pauvres diables, qui, sans eux, seraient fort embarrassés ; miséreux du Roman comique, las, avilis et découragés, prêts à aller, pour quelques francs, jouer le drame ou chanter l’opéra-comique au bout du monde. La République n’a pas toujours de consuls là où les agences ont des acteurs en exercice, rapatriés, en cas d’effondrement, par des représentais du drapeau anglais.

Pour les cafés-concerts, les courtages, plus élevés, sont pris seulement sur le premier mois : ici, nous glissons dans une industrie sui generis, où s’étage la hiérarchie des « bouis-bouis, »