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VOYAGE AU JAPON

VIII.[1]
LA SOCIÉTÉ NOUVELLE

Débarqué au Japon en pleine crise ministérielle et à la veille d’une période électorale, je m’efforçai, aussitôt que mes premières impressions furent un peu débrouillées, d’approcher et de reconnaître ce monstre nouveau-né : le parlementarisme japonais. Puis, comme il ne suffisait pas d’en décrire la fantasque image, et qu’il fallait encore essayer d’en expliquer l’origine, je consultai ce passé que chaque jour dépayse davantage au milieu du présent. Vieilles lois, vieilles coutumes, vieilles traditions d’honneur, gouvernement à la fois féodal et centralisé : il m’a bien paru que si, en fait, la révolution politique du Japon était moins extraordinaire que nous ne l’imaginions, ses conséquences religieuses, intellectuelles et morales excédaient encore l’étendue de nos conjectures. Ainsi j’étudiai, pour mieux les confronter avec nos idées envahissantes, les anciennes conceptions japonaises de la divinité, de l’art, de la famille et de l’amour. Il nous reste maintenant à montrer comment, au sein même de ces conflits, la société s’est provisoirement organisée, et surtout comment vivent, depuis l’Empereur jusqu’aux miséreux, des gens que se disputent tant d’opinions contradictoires.

M. Harmand, ministre de France au Japon, un des diplomates les plus écoutés et un des hommes qui ont le mieux pénétré l’âme de l’Extrême-Orient, disait un jour que c’était le grand malheur

  1. Voyez la Revue du 15 novembre 1901.