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Et quoique, depuis lors, des compagnies rivales aient surgi, avec plus ou moins de succès, quoique l’effectif des voitures et surtout celui des loueurs ait grossi sans cesse, les « Petites voitures, » comme on les appelle, n’en sont pas moins demeurées, sous la direction d’un président sagace, M. Bixio, le modèle de cette industrie difficile.

Le plus fort chapitre de dépense, — 10 millions de francs sur les 20 millions de budget annuel de la compagnie, — est naturellement la « cavalerie. » Pour ce dur service du pavé de Paris, il faut des chevaux jeunes, arrivés au maximum de leur force, âgés de 5 ans environ, que l’on ne trouverait pas en France, depuis que le ministère de la Guerre achète, pour l’armée, les bêtes de 3 ans et demi chez les éleveurs. C’est de Hongrie et de Danemark, où chaque année une commission spéciale va faire les achats, que nous viennent des sujets tout dressés, prêts à entrer immédiatement dans les brancards. Ils n’y resteront pas longtemps : quatre années en général. Aussi, quoique le prix de revient de chaque bête, dont l’introduction sur notre sol comporte le paiement d’un droit de douane élevé, soit de 900 francs environ, la cavalerie ne figure à l’inventaire que pour 460 francs par tête. La mortalité normale, compliquée parfois d’épidémies désastreuses, de la « morve » notamment, enlève 11 pour 100 de l’effectif ; 14 pour 100 des animaux sont réformés et cédés en moyenne pour 155 francs.

L’établissement des tramways n’a pas été seulement, pour le fiacre, une concurrence, mais aussi une cause indirecte de dommages par leurs rails, qui multiplient les chutes des chevaux et les avaries des voitures. En revanche, le bâton blanc, mis par M. Lépine aux mains des sergens de ville, fut un bienfait, non seulement pour les piétons, mais aussi pour les quadrupèdes. Ils ont, grâce à lui, une minute de repos durant ces arrêts forcés qui, de la Madeleine au Bois de Boulogne, peuvent se répéter huit fois.

La distance journellement parcourue par le cheval de fiacre est de 45 kilomètres ; mais la voiture effectue un trajet moitié plus long, parce qu’à chacune sont affectés trois chevaux, dont un, dit de relais, travaille tous les jours, tandis que les deux autres, alternativement, sortent ou se reposent. Ce service de 4 000 voitures, de place ou de « grande remise, » exige ainsi la présence constante de 12 000 chevaux valides, sans compter les