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passionnément ; mais elle n’est pas systématiquement malveillante. Fréquemment, une remarque en retour atténue ses appréciations, qui, dans la plupart des cas, ne vont pas plus loin qu’un coup de patte donné en passant et à fleur de peau. Comme presque toutes les femmes, elle est malicieuse et non méchante. « Notre corps diplomatique est augmenté des ambassadrices de France et d’Autriche, mande-t-elle à son frère : la première, la marquise d’Osmond, une espèce de revenant bien blême, bien maigre, bien bonne personne ; la seconde, la princesse Esterhazy, petite, ronde, noire, animée et assez méchante, Je vais également bien avec l’une et avec l’autre. La dernière est la petite-nièce de la reine d’Angleterre, par sa mère, la princesse de la Tour et Taxis. Cette parenté ne lui donne au reste aucune prérogative ici, puisqu’elle forme membre du corps diplomatique. »

Les lettres que, vers le même temps, elle écrit à son père ne contribuent pas moins que celles qu’elle écrit à son frère à nous initier à sa vie, vie brillante, vie de distractions et de plaisirs, qui nous la montrent uniquement occupée à se récréer et à se distraire en se lançant dans le tourbillon mondain.

Le 10 juillet, elle annonce à son père que sous peu de jours elle va quitter Londres, d’abord pour se rendre à Brighton, où le prince-régent lui offre l’hospitalité, et, ensuite pour faire des tournées dans l’intérieur du pays chez des amis. « C’est la manière d’employer mon temps que je préfère à toute autre. Le pays est si beau, les châteaux si bien montés et les propriétaires plus Européens qu’à Londres, c’est-à-dire aimables autant qu’un Anglais peut l’être. Ceci, cependant, ne s’applique pas généralement, car il y a des personnes extrêmement agréables ; mais il faut convenir que la généralité pèche pour les formes… Je vais ce soir à la noce de la princesse Marie d’Angleterre. Toute la famille y est réunie, excepté cette pauvre duchesse de Cumberland, qui est traitée avec une injustice sans exemple. Cela révolte tout le monde. Je la vois beaucoup et je lui donne tous les conseils et l’adoucissement à ses peines que je puis. Je suis fort liée avec la princesse Charlotte. Son mari est parfaitement heureux avec elle et mérite vraiment de l’être. C’est un homme tout à fait distingué pour sa manière de penser et son caractère. »

Au mois d’octobre suivant, elle confesse que ses projets de villégiature n’ont été qu’à demi réalisés et que son automne « a été entièrement massacré. » Les occupations de son mari, la