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diminue, les organes nucléaires s’atrophient, toutes les activités déchoient et l’infusoire périt. — Il succombe à cette sorte d’atrophie sénile, à moins qu’on ne lui fournisse l’occasion de se conjuguer avec un autre infusoire dans la même situation. Il puise alors, dans cet acte, des forces nouvelles, il grandit, reprend sa taille et reconstitue ses organes. La conjugaison lui rend la vie, la jeunesse et l’immortalité.

Des observations récentes dues à un naturaliste américain, G. N. Calkins, et confirmées par M. G. Loisel, ont montré que ce moyen de rajeunissement n’est pas le seul et qu’il n’est même pas le plus efficace. La conjugaison n’a pas une vertu spécifique mystérieuse. Il n’est pas nécessaire de marier l’infusoire pour le rajeunir : il suffit d’améliorer son régime. En remplaçant, chez la paramécie caudée, la conjugaison par du bouillon de bœuf et des phosphates, Calkins a pu observer 665 générations consécutives, sans tares, sans défaillance, sans signe de vieillesse. Un régime plantureux, des drogues simples ont eu ici raison de la sénilité et du cortège de dégénérescences atrophiques qu’elle traîne après elle.

Quant aux causes de la sénescence à laquelle on a remédié avec tant de succès, elles ne sont pas exactement connues. Calkins pense qu’elle résulte de la perte que fait progressivement l’organisme de quelque substance essentielle à la vie : la conjugaison ou l’alimentation intensive agiraient en restituant ce composé nécessaire. M. G. Loisel croit, au contraire, qu’il s’agit de l’accumulation progressive de produits toxiques dus à une espèce d’auto-intoxication alimentaire.


En résumé, les infusoires ne sont déjà plus des animaux chez qui les échanges matériels se passent avec assez de perfection, et chez qui la division cellulaire, conséquence de l’accroissement, se produise avec assez de précision pour que la vie se poursuive indéfiniment en un équilibre parfait dans le milieu approprié, sans subir d’altération, sans comporter de cause d’arrêt. A plus forte raison ne retrouve-t-on plus la parfaite régularité des échanges nutritifs dans les classes placées au-dessus de celle-là. En un mot, à partir de ce groupe si inférieur, il n’y a pas d’êtres animés qui soient dans la situation d’existence que M. Le Dantec appelle la « condition n° 1, de vie manifestée. » La matière vivante, au lieu de se maintenir continuellement identique en des