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immigré d’Allemagne accentue les arêtes qui séparent les nationalités et. fait fermenter une discorde dans ce qu’il appelle dédaigneusement la « levure » autrichienne (Oesterreichisches Volksbrau), il s’attaque à l’originalité de l’Autriche et efface l’originalité du christianisme. S’il est vrai, d’autre part, qu’une agitation Los von Rom se pourrait aussi produire parmi les races slaves du jour où elles croiraient avoir lieu d’être mécontentes de Rome et que, tout récemment, une pétition du clergé tchèque contre la création d’un évêché allemand à Eger a signalé cette menace à la nonciature, et si l’on peut dire, dès lors, que l’Autriche est peut-être guettée par autant de mouvemens Los von Rom qu’il y a de races en conflit, il semble qu’on doive conclure — et le dernier mandement collectif des évêques est à l’unisson de cette conclusion — qu’en face de Ici lutte des races, qui est en passe d’aboutir à une reviviscence locale des guerres privées, l’Eglise romaine poursuivra son propre salut et tout ensemble celui de l’Autriche, en retrouvant dans son propre passé, en pratiquant et en proposant la politique de la Trêve de Dieu. La création à Rome par Léon XIII du collège bohème, accueillant pour les clercs des deux langues, éclaire et guide cette politique.


Les Tchèques, chose curieuse, avaient un instant espéré, il y a bientôt quatre siècles, que c’était la Réforme qui marquerait entre eux et les Allemands la Trêve de Dieu. On lit dans la chronique de Bartoch :


Telle était la haine des Allemands pour les Tchèques et les Moraves, que c’était pour eux une souffrance d’entendre même prononcer le nom de Bohême ; ils le prouvaient par des outrages, des injures, les condamnaient à l’enfer, inventaient des guerres et autres mauvais artifices. Mais alors Dieu tout-puissant daigna susciter un savant moine, Martin Luther, qui fît connaître aux peuples étrangers sa vérité et sa loi ; et dans les contrées allemandes qui nous entourent, les habitans, depuis si longtemps défavorables et hostiles aux Tchèques et aux Moraves, furent convertis par lui à la communion sous les deux espèces ; par là, grâce à Dieu, il amena ces Allemands à de meilleurs sentimens, et ils conçurent de l’amitié pour les Moraves et les Tchèques[1].


Ainsi parlait le chroniqueur, et voici qu’aujourd’hui c’est dans les fourgons de la Réforme que les Allemands viennent à

  1. Cité par M. Ernest Denis, la Fin de l’Indépendance bohème, II, p. 59. Paris, Colin.