Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

national. Elle ne s’oppose pas à l’arrivée en Angleterre de Guillaume d’Orange, suivant de quelques semaines celle de Barillon. Pourtant elle essaye d’empêcher son mariage avec la fille du duc d’York, et Danby, qui tient à accorder ce gage au parti anti-français, obtient du roi, pour neutraliser son influence, qu’il ne corresponde avec elle que par billets et refuse de la voir jusqu’au moment où tout sera décidé. Une fois l’affaire conclue, elle en donne la nouvelle à Barillon, et puis, attirant chez elle le prince d’Orange, s’efforce d’adoucir son hostilité contre la France, agissant d’autre part sur l’esprit mobile de Charles II pour l’empêcher de se détacher complètement de Louis XIV. Elle ne peut néanmoins l’empêcher de céder au courant, de conclure le 10 janvier 1678 une alliance avec les Pays-Bas et de se préparer à faire la guerre, malgré tous ses vœux en faveur de la paix générale. La harangue de Charles II à l’ouverture du nouveau Parlement « est d’un commis à son maître. » Le duc d’York lui-même est résigné à prendre les armes.

Cependant, grâce à l’habileté de Louis XIV qui sème la défiance dans le Parlement, grâce aux efforts désespérés de la duchesse qui ne cesse de se concerter avec Barillon et lutte toujours, quoique « fort triste et fort abattue » par tant de difficultés, il y a un rapprochement. Le Parlement, malgré sa haine de la France, se défie tellement de son propre roi qu’il n’ose lui donner des subsides pour lever une armée, craignant que celle-ci ne serve qu’à opprimer la nation anglaise. Et il continue à l’attaquer au moment où le monarque tente de se rallier à sa politique. « Je crois qu’ils ont perdu l’esprit et que vous leur avez donné de l’argent, » murmure Charles II, clairvoyant, à l’oreille de Barillon. Aussi le roi, désillusionné, revient-il à la France. Au moment où Madame de Scudéry écrit à Bussy : « On ne doute plus de la guerre avec l’Anglais. On dit même qu’elle est publiée à Londres de jeudi passé ; » au moment où l’on trouve jusque dans l’appartement royal un billet de menaces au monarque rebelle aux vœux de son pays ; où Schwerin mande à son maître : « Le mécontentement de la nation est si grand que je ne puis le décrire ; » Charles II négocie de nouveau avec Louis XIV un traité de subsides qui lui permettra de se passer de son Parlement (27 mai 1678). Pendant ce temps Louis XIV frappe les coups décisifs de la campagne, prend Gand et Ypres. La paix va se conclure avec la Hollande.