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130 000 francs de rente, plus ses terres de France, ses meubles, ses bijoux, les 50 000 francs de rente promis à son fils sur la confiscation de milord Grey, 250 000 francs en or qui lui avaient été comptés immédiatement après la mort du roi.

Elle s’embarqua en août 1685 et se dirigea sur Versailles. La conversion officielle de son fils au catholicisme fut l’acte le plus remarquable qui suivit son retour. Avant qu’elle partît, Jacques II l’avait fortement engagée à l’effectuer. Elle avait promis d’y travailler et, par une adroite flatterie, voulait associer Louis XIV lui-même à cet événement. « Elle suppliera Votre Majesté, écrivait Barillon au roi, quand il sera temps, de vouloir y mettre la dernière main. » Plusieurs lettres prouvent l’intérêt à coup sûr aussi politique que religieux que prenait Louis XIV à cette conversion où il eut Bossuet pour principal collaborateur et qui valut à celui-ci un de ses plus beaux succès oratoires. La cérémonie eut un grand éclat.

Selon le récit de l’abbé Le Dieu, « elle se fit à Fontainebleau, en 1685, un dimanche 21 octobre, à l’issue de la messe du roi, par M. de Meaux, en crosse et en mitre, prêchant sur l’Evangile du jour, Compelle intrare (Matthieu, XXII, 20, et Luc, XIV, 25). La cour fondit en larmes par la considération des miséricordes de Dieu qui appelle à lui ceux qu’il veut. Alors se faisait le grand mouvement de conversion des huguenots ; le roi fut ravi d’entendre expliquer le compelle et d’apprendre l’interprétation de saint Augustin et sa conduite conforme avec celle de toute l’église d’Afrique. Jamais sermon n’eut un pareil effet. Madame la Dauphine, transportée de joie, ne parla d’autre chose pendant son dîner. « Jamais je n’ai ouï parler comme il fait, disait-elle, il me fait un plaisir que je ne puis exprimer, et plus je l’entends, plus je l’admire. »

Versailles et Paris offrirent d’ailleurs au jeune duc de Richmond un accueil des plus sympathiques, dont les chansonniers du temps se firent l’écho :


Ce n’est pas ta mine charmante,
Aimable Milord, qui m’enchante,
Mais ton esprit vif et brillant
Puisé dans le sein de ta mère
Et qui fait que dans cinquante ans
Comme aujourd’hui tu sauras plaire.


La duchesse de Portsmouth survécut à son rôle politique