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Vendôme, qui lui avait adressé une dépêche pleine de récriminations : « Dispensez-moi d’y entrer, car aux maux passés il n’y a point de remèdes, mais le plus grand de tous ceux qui pourroient arriver, et le plus préjudiciable au service du Roi, ce seroit de voir se continuer l’éloignement qui paroit estre entre M. le Duc de Bourgogne et vous. Les termes dont vous vous servez dans vostre lettre m’autorisent à vous parler librement, et je ne puis m’empescher en cette occasion de vous dire que vous devriez vous faire honneur d’instruire au métier de la guerre celuy qui, par luy mesme, n’auroit d’autre supérieur que le Roy, si Sa Majesté ne vous l’avoit pas confié. Lorsque vous lui parlerez solidement, il vous écoutera, et joindra à toutes les bonnes qualités que tout le monde lui connoît celle de la docilité[1]. »

Les exhortations de Chamillart ne servaient de rien, et un nouveau grief allait s’ajouter à ceux, encore vivaces, de Vendôme. Le passage d’un convoi de vivres et de munitions qui se dirigeait vers Oudenarde ayant été signalé, Vendôme proposait au Duc de Bourgogne de le faire attaquer ; mais celui-ci, ayant jugé trop hasardeux de détacher de l’armée un corps de troupes dont la retraite pouvait être coupée, s’y refusa. Vendôme, blessé, ne pensait plus qu’à dégager sa responsabilité de ce qui pourrait se passer à l’avenir. Le 23 juillet, il écrivait au Roi : « Je suppliay Monseigneur le Duc de Bourgogne, toutes les fois que je le vois d’un avis contraire au mien, ce qui arrive souvent, pour ne pas dire toujours, d’avoir la bonté d’en rendre compte à Votre Majesté, afin qu’Elle sache le peu de part que j’ay à tout ce qui se passe ici ; lorsqu’Elle en sera informée, je seray content[2]. » Ainsi, l’expérience n’avait servi de rien, et, au lendemain comme à la veille d’Oudenarde, l’aveuglement paresseux de Vendôme et la consciencieuse incertitude du Duc de Bourgogne laissaient aux ennemis un temps dont ils devaient malheureusement tirer un profit trop habile.


II

Autant la discorde s’était glissée et l’inertie l’emportait dans le camp français, autant l’union s’était maintenue et l’activité

  1. Dépôt de la Guerre, 2 081. Chamillart au Duc de Bourgogne et à Vendôme, 23 juillet 1708.
  2. Dépôt de la Guerre, 2 081. Vendôme au Roi, 23 juillet 1708.