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Monts de Mazin, d’origine française. De profondes réformes suivirent. Le haut commandement fut réorganisé ; on sépara l’état-major général, chargé de la préparation à la guerre et de la mobilisation, de l’administration proprement dite. On créa, en outre, auprès de l’Empereur, chef suprême des armées de terre et de mer, un troisième organe : le cabinet maritime, occupé à transmettre ses ordres et à le tenir au courant des affaires. A l’état-major général fut placé l’amiral von der Goltz ; au ministère, l’amiral Hollmann, succédant à Monts de Mazin, mort peu de semaines après son entrée en fonctions ; au cabinet maritime, M. De Senden-Bibran, qui, aujourd’hui encore, occupe sa haute fonction. Ces changemens si profonds annonçaient une ère nouvelle. Le moment semblait venu pour la marine de réclamer la place qui lui revenait à la guerre st de sortir d’un rôle effacé. Le recrutement de son personnel se trouvait maintenant assuré ; de fortes institutions lui garantissaient l’avenir ; la première partie de sa tâche était remplie, son développement pouvait s’effectuer suivant les règles d’une indiscutable logique. Après avoir pourvu à la protection du littoral et, grâce à ses torpilleurs et à ses batteries de côte, à la création d’une formidable ligne de retraite, elle devait songer à s’armer de bâtimens offensifs et à porter la guerre chez l’ennemi. Une armée qui ne veut prévoir que l’action défensive est fatalement condamnée à la défaite.

Mais la question militaire se compliquait, cette fois, de questions plus graves encore. Au fond, il s’agissait de savoir si l’Allemagne se contenterait de rester une grande puissance européenne, comme avait semblé le vouloir M. De Bismarck, ou si, au contraire, élargissant ses ambitions, elle se lancerait dans la politique mondiale. Le drame devait être fécond en péripéties. De grandes forces antagonistes allaient se heurter : d’une part, l’Empereur et la marine tout entière, qui comprenaient que le développement de la flotte marchande impliquait un développement égal de la flotte de guerre ; que le pays devait fonder au dehors des colonies puissantes et trouver pour son commerce des débouchés nouveaux ; qui pensaient enfin que le moment était venu de réaliser le rêve du Grand Electeur ; d’autre part, l’armée de terre, toujours un peu jalouse de l’importance que prenait l’armée navale ; le Reichstag, qui craignait à la fois les aventures et les dépenses,