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même l’Amérique et l’Angleterre, dans les sciences qui l’occupent ; et celles-ci sont variées. Parti de la zoologie, comme il le dit lui-même dans la préface d’un de ses ouvrages, il s’est plu à s’égarer dans le domaine de la chimie biologique et de la science médicale. Séduit, dès longtemps, par l’œuvre de Pasteur à ses débuts, il n’a pas tardé à entrer dans l’orbite de l’illustre savant ; et, comme MM. Duclaux et E. Roux auprès de qui il travaille depuis quinze ans, puisant dans leur savoir et leur communiquant le sien, il est devenu une colonne du célèbre établissement qu’est l’Institut Pasteur. Il est entouré d’élèves qu’il dirige et dont il inspire les travaux et les publications. — Aujourd’hui, zoologiste, chimiste, médecin, il lui plaît de faire une excursion dans le domaine de la philosophie. On en conteste le droit aux savans qui s’y jettent dès le début de leur carrière et qui négligent, pour cela, la pratique de leur science et les recherches originales. On ne saurait le refuser à un homme qui le réclame après une longue carrière de production et qui le justifie par une maîtrise incontestable dans les sciences particulières auxquelles il s’est al taché. — Ses vues et ses réflexions ne sauraient être banales. On ne saurait les ignorer. Ceux mêmes qu’elles choqueront le plus devront les examiner, les discuter, tout au moins les connaître. C’est la tâche que nous voulons ici leur faciliter.


I

La misère de la condition humaine est l’origine de toutes les religions et de toutes les philosophies : elle en est le thème continuel. Ce n’est rien dire que de prétendre que la tristesse de cette condition n’est pas ressentie par tous les hommes, et que ceux dont l’esprit comme le corps restent attachés à la glèbe et à l’humilité de leur travail quotidien y échappent. Ceux-là mêmes ne parviennent pas à s’y soustraire pendant tout le cours de leur vie. Il y a des catastrophes, des coups de tonnerre dans leur existence tranquille qui les arrachent à leur optimisme ou à leur indifférence. — Toutefois, c’est surtout aux esprits élevés et capables de réflexion que s’impose, comme un tourment, le mystère des contradictions de la destinée humaine.

Réfléchir sur ce mystère, c’est connaître le malheur de l’humanité : Miser anxius futuri ! D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Que devons-nous faire ? Voilà les questions essentielles. A ces